Rétrospectives

Coordonné par Isabelle Clair et Jacqueline Heinen

Dans une optique rétrospective, ce numéro porte sur les principaux objets et concepts-clés des études féministes françaises au cours des quarante dernières années. C’est notamment l’occasion d’interroger les définitions, les usages et les disciplines qui se sont emparées du concept de ‘genre’, lequel s’est progressivement imposé sous des acceptions variables, et de se pencher sur les structures académiques et éditoriales qui l’ont diffusé.

Introduction

 

Vous trouverez, en suivant ce lien, l’Introduction en version pdf

Sommaire

Jules Falquet et Helena Hirata
À la mémoire de Bruno Lautier (1948-2013) [p. 5-7]

Dossier

Isabelle Clair et Jacqueline Heinen
Le genre et les études féministes françaises : une histoire ancienne (Introduction) [p. 9-19]

Oristelle Bonis, Cynthia Kraus et Gail Pheterson
Translations du genre. Entretiens croisés (propos recueillis par Isabelle Clair et Jacqueline Heinen)
[p. 21-44]

Sarah Bracke et María Puig de la Bellacasa
Le féminisme du positionnement. Héritages et perspectives contemporaines [p. 45-66]

Groupe ‘État et rapports sociaux de sexe’
Quelle citoyenneté pour les femmes ? État des lieux et perspectives (1987-2012) [p. 67-92]

Isabelle Clair
Pourquoi penser la sexualité pour penser le genre en sociologie ? Retour sur quarante ans de réticences
[p. 93-120]

Nicky Le Feuvre, Pierre Bataille et Laura Morend
La visibilité du genre dans des revues de sociologie du travail. Comparaisons France et Grande-Bretagne (1987-2012) [p. 121-150]

Jasbir K. Puar
Homonationalisme et biopolitique [p. 151-185]

Hors-champ

Virginie Vinel
Biographies individuelles et actions collectives : le militantisme féminin dans une vallée sidérurgique lorraine [p. 187-204]

Manuela Lavinas Picq
Porter le genre dans la culture : femmes et interlégalité en Équateur [p. 205-226]

Notes de lecture

— Coline Cardi et Geneviève Pruvost (eds). Penser la violence des femmes (Séverine Sofio)

— Mélissa Blais, Francis Dupuis-Déri, Lyne Kurtzman et Dominique Payette (eds). Retour sur un attentat antiféministe. École Polytechnique, 6 décembre 1989 (Hélène Yvonne Meynaud)

— Delphine Gardey (ed). Le féminisme change-t-il nos vies ? (Pierre Tripier)

— Caroline Ibos. Qui gardera nos enfants ? Les nounous et les mères (Michelle F. Redondo)

— Marie Buscatto. La fabrique de l’ethnographe. Dans les rouages du travail organisé (Pierre Tripier)

— Bibia Pavard, Florence Rochefort et Michelle Zancarini-Fournel. Les lois Veil. Les événements fondateurs. Contraception 1974, IVG 1975 ; et : Bibia Pavard. Si je veux, quand je veux. Contraception et avortement dans la société française (1956-1979) (Marie Mathieu et Lucile Ruault)

— Anne Fausto-Sterling. Corps en tous genres. La dualité des sexes à l’épreuve de la science (Cornelia Möser)

[p. 227-250]

Notes de lecture numéro 54

Résumés

Sarah Bracke et María Puig de la Bellacasa — Le féminisme du positionnement. Héritages et perspectives contemporaines

Le féminisme a engendré de vifs débats sur les liens intimes entre lutte politique et production du savoir, ainsi que sur le problème de dés/incarnation de la vérité et de la méthode scientifiques. Cet article aborde plus précisément la pensée du positionnement féministe et la stratégie consistant à récupérer les voix de femmes historiquement réduites au silence. Nous mettons au jour la façon dont cette stratégie a été mise en œuvre et ses liens cruciaux avec les questions de l’expérience et du pouvoir. En mobilisant la figure d’Antigone, notamment pour montrer en quoi des revendications telles que celles de femmes exigeant de pouvoir agir conformément à la loi de Dieu (comme c’est le cas par exemple au sein des débats sur le foulard) obligent à repenser le caractère situé du savoir.

Féminisme — Théories du positionnement — Savoirs situés — Antigone — Public — Privé — Pouvoir politique

Groupe ‘État et rapports sociaux de sexe’ — Quelle citoyenneté pour les femmes ? État des lieux et perspectives (1987-2012)

Cet article évoque le parcours du réseau francophone et pluridisciplinaire ‘État et rapports sociaux de sexe’. Né à la fin des années 1980, ce dernier a contribué à faire progresser la réflexion sur la dimension sexuée de la citoyenneté. Trois concepts furent au cœur de ses travaux — l’État, les politiques sociales et la citoyenneté. Sont évoquées ici les principales approches théoriques qui, sur ces thèmes, ont marqué le champ des sciences humaines, ces dernières décennies. L’article souligne l’importance conférée par les membres du groupe à la nécessité de contextualiser le propos, que ce soit dans une optique historique, spatiale ou temporelle. Il fait le point sur les déplacements d’analyse liés à ces notions, en lien avec la place des mouvements sociaux qui luttent pour l’accès aux droits à la citoyenneté.

État — Citoyenneté — Politiques sociales — Droits sociaux — Inégalités

Isabelle Clair — Pourquoi penser la sexualité pour penser le genre en sociologie ? Retour sur quarante ans de réticences

Partant d’écrits et de propos d’auteures de référence au sein des études féministes françaises, cet article s’efforce de reconstituer un débat qui n’a jamais eu tout à fait lieu en France, alors qu’il a pu se développer dans d’autres pays (e.g. la Grande-Bretagne et les États-Unis), concernant la légitimité d’envisager la sexualité comme un objet pertinent de l’enquête sociologique et comme une problématique liée de façon spécifique aux conceptualisations féministes. Après avoir exposé les réticences raisonnées et historiquement situées, qui ont été développées en France à l’encontre de l’inclusion de la pensée de la sexualité dans la pensée du genre, on défendra l’intérêt épistémologique et politique de leur articulation.

Sexualité — Épistémologie — Intersectionnalité — Sociologie — Genre (concept de)

Nicky Le Feuvre, Pierre Bataille et Laura Morend — La visibilité du genre dans des revues de sociologie du travail. Comparaisons France et Grande-Bretagne (1987-2012)

Le travail a constitué un objet privilégié des premières recherches académiques sur les rapports sociaux de sexe en France et les ‘études genre’ y sont restées marquées par cet héritage. Peut-on affirmer pour autant que les dimensions sexuées du travail sont désormais intégrées au cœur de la sociologie du travail et que les spécialistes du genre y sont reconnu·e·s à part entière ? Pour répondre à ces questions, nous proposons une analyse comparative de l’évolution du nombre d’articles consacrés au ‘genre du travail’ dans deux revues de sociologie du travail en France et en Grande-Bretagne. Nous montrons que la part de recherches portant sur les dimensions sexuées du travail à trouver place dans ces revues est beaucoup plus réduite en France qu’outre-Manche, et ceci tout au long de la période étudiée. La ‘cécité au genre’ qui perdure au sein de la sociologie du travail en France n’occulte pas seulement la réalité laborieuse des femmes de ce pays, elle invisibilise et marginalise également les (femmes) spécialistes du genre au sein de ce champ académique.

Sociologie du travail — Études genre — Revues — Édition — France — Grande-Bretagne

Jasbir K. Puar — Homonationalisme et biopolitique

L’ ‘homonationalisme’ désigne l’inclusion de l’homosexualité dans le discours national produit notamment par les États-Unis dans leur « guerre contre le terrorisme », proclamant la supériorité sur les autres d’une civilisation qui aurait aboli toute oppression sexuelle — alors même que les homosexuel·le·s de ce pays continuent de souffrir de discriminations et d’une oppression directement liée à leur sexualité. Opposant les identités gay et musulmane, du même coup, ce discours fait de l’homosexualité une réalité blanche. L’article montre que ce type d’opposition et de création d’un sentiment d’exceptionnalité sexuelle (national et blanc) n’est pas l’apanage des seuls militaires et stratèges états-uniens, mais concerne aussi de nombreux milieux progressistes, associatifs et académiques, y compris féministes et queer.

Biopolitique — Homonationalisme — Homosexualité — Queer — Blanchité — Hétéronormativité — États-Unis

* * * * *

Virginie Vinel — Biographies individuelles et actions collectives : le militantisme féminin dans une vallée sidérurgique lorraine

Dans les années 1950 à 1970, les mouvements populaires familiaux et de la jeunesse ouvrière chrétienne féminine ont été des moyens par lesquels des femmes de la vallée sidérurgique de la Fensch, souvent peu dotées scolairement, se sont mises en action collectivement et individuellement. Bien qu’ancrés dans la complémentarité des rôles de genre, ces engagements ont permis l’émergence d’une voix féminine dans ce bastion masculin et ont conduit certaines d’entre elles sur les voies de la politisation. L’article explore ainsi les parcours biographiques singuliers de ces femmes qui ont impulsé une dynamique aux rapports de genre privés et publics de cette région.

Militantisme féminin — Public — Privé — Sidérurgie — Mouvements populaires familiaux — Rôles sexués

Manuela Lavinas Picq — Porter le genre dans la culture : femmes et interlégalité en Équateur

Si la reconnaissance légale de la justice indigène reste une composante majeure de la démocratisation en Amérique latine, il se trouve que la loi coutumière n’est pas forcément favorable aux femmes. En Équateur, en 2008, les Amérindiennes ont saisi l’opportunité offerte par la tenue d’une Assemblée constitutionnelle, pour revendiquer l’intégration de l’équité de genre dans la loi coutumière. Ainsi, le soutien apporté par ces femmes à la justice indigène non seulement propose une configuration démocratique nouvelle, plus diverse, mais il constitue également un véritable défi pour les conventions existantes en termes de pratiques citoyennes. Pour saisir en quoi les femmes peuvent avoir intérêt à ce pluralisme légal, et quel impact ce dernier a sur l’État, cet article revient sur le paradoxe de la difficile alliance entre féministes et Amérindiennes ainsi que sur la question de l’accessibilité des systèmes de justice coutumière.

Équateur — Équité de genre — Justice indigène — Droits des femmes — Discriminations — Luttes des femmes

Abstracts

Retrospectives

Jules Falquet and Helena Hirata — In memory of Bruno Lautier (1948-2013)

Retrospectives

Isabelle Clair and Jacqueline Heinen — Gender and French feminist studies: a long history (Introduction)

Oristelle Bonis, Cynthia Kraus and Gail Pheterson — Translations of gender (Interviews – by Isabelle Clair and Jacqueline Heinen)

Sarah Bracke and María Puig de la Bellacasa — Feminist standpoint. Legacies and contemporary perspectives

Feminism engaged discussions where political struggle and knowledge production are intimately related, questioning dis/embodiment, truth and method in the academy. This essay discusses in particular feminist standpoint thinking and the strategy of reclaiming historically silenced women’s voices. We discuss how this strategy has been put to work, and how it relates to critical questions of experience and power. We rely on the figure of Antigone to think through some of the issues at stake, and more in particular to trace how contemporary claims of women acting in accordance with God’s law (e.g. in the headscarf debates) renders the situated character of knowledge more complex.

Feminism — Standpoint theories — Situated knowledge — Antigone — Public — Private — Political power

Groupe ‘État et rapports sociaux de sexe’ — What citizenship for women? The current situation and perspectives (1987-2012)

This article traces the history of the French-speaking and multi-disciplinary network “State and gender”. Created at the end of the 1980s, this network contributed to the reflection on the gendered dimension of citizenship. Three concepts were at the centre of its work — the state, social policies and citizenship. This article summarizes the main theoretical approaches that marked the field of the social sciences on these topics in these last decades. It stresses the importance given by the researchers to the need to contextualize the question of gender and the state, depending on the historical moment, the place and the time. It also takes stock of the displacements of the analysis of gender and the state in relation to the role played by the social movements that fight for access to citizenship rights.

State — Citizenship — Social policies — Social rights — Inequalities

Isabelle Clair — The challenge to think about sexuality for the sociology of gender. Looking back on forty years of reluctance

Analysing the writings and research from major French feminist studies scholars, this article attempts to reconstruct a debate which has never really taken place in France although it has developed in other countries (for example in Britain and the USA) about the legitimacy of sexuality as a relevant topic for sociological research and as a specific issue for feminist theorization. Having outlined the considered, and partly historically justifiable, reasons developed in France to reject the inclusion of sexuality in gender theorization, this article argues that articulating gender and sexuality brings epistemological and political payoffs.

Sexuality — Epistemology — Intersectionality — Sociology — Gender (concept of)

Nicky Le Feuvre, Pierre Bataille and Laura Morend — The visibility of gender in journals on the sociology of work: comparisons of France and Britain (1987-2012)

Labour was the primary subject of early academic work on gender relations in France and “gender studies” remained marked by this legacy. Can we however assert that the gender dimension of work is now fully integrated into this branch of sociology and that gender specialists receive full recognition in the field? To answer this question, we propose a comparative analysis of the evolution of the number of articles devoted to the “gendering of work” in two sociology of labour journals in France and Great Britain. We show that the number of articles relating to gender and work is consistently much smaller in France than on the other side of the Channel, throughout the period studied. This “gender blindness” which pervades labour sociology in France does not obscure only the reality of women’s work in this country; it also hides and marginalizes the female researches who specialize on gender within this academic field.

Sociology of work — Gender studies — Journals — Edition — France — Great Britain

Jasbir K. Puar — Homonationalism and biopolitics

Homonationalism refers to the inclusion of homosexuality in the national rhetoric produced in particular by the USA in their “war against terrorism”, proclaiming the superiority of the American civilization because it supposedly has abolished all sexual oppression — whereas in fact gays and lesbians in this country continue to suffer from discrimination and to endure an oppression directly linked to their sexuality. Setting gay and Muslim identities one against the other, this discourse thus makes homosexuality a white reality. The article shows that this type of counterposition and the creation of a feeling of sexual exceptionalism (national and white) is not simply a feature of the discourse articulated by the American military and policy-makers but also by many activist and academic progressive layers, including feminist and queer ones.

Biopolitic — Homonationalism — Homosexuality — Queer — Whiteness — Heteronormativity — USA

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Virginie Vinel — Dynamics of gender relations and feminine activism in a steelworking valley in Lorraine

From the 1950s to the 1970s the popular family movement and the young Christian working women movement were the means through which women in the Fensch steelworking valley, often poorly educated, took action both collectively and individually. While rooted in the notion of the complementary nature of gender roles, this involvement made possible the emergence of a women’s voice in this male world and led some of them to pursue political activism. The article explores the individual biographies of these women who stirred a new dynamic of public and private gender relations in this region.

Women’s activism — Public — Private — Iron and steel industry — Popular family movement — Gender roles

Manuela Lavinas Picq — Bringing gender into culture: Women and interlegality in Ecuador

Although legal recognition of indigenous justice is a major component of democratization in Latin America, customary law can be detrimental to women. In Ecuador, indigenous women seized the opportunity of the 2008 Constitutional Assembly to advocate for gender parity within indigenous law. As women’s support for indigenous justice proposes more diverse understandings of democracy, it also challenges conventional practices of citizenship. To understand the attractiveness of legal pluralism for women and its impact on the state, the paper explores the confines of feminist alliances and the accessibility of indigenous justice.

Ecuador — Gender equity — Indigenous justice — Women’s rights — Discriminations — Women’s struggles

Resúmenes

Retrospectivas

Jules Falquet y Helena Hirata — Bruno Lautier in memoriam (1948-2013)

Retrospectivas

Isabelle Clair y Jacqueline Heinen — El género y los estudios feministas franceses: una historia antigua (Introducción)

Oristelle Bonis, Cynthia Kraus y Gail Pheterson — Traslaciones del género (Entrevistas cruzadas – temas recopilados por Isabelle Clair y Jacqueline Heinen)

Sarah Bracke y María Puig de la Bellacasa — El feminismo del posicionamiento. Herencias y perspectivas contemporáneas

El feminismo ha originado intensos debates sobre los vínculos íntimos entre la lucha política y la producción de conocimiento, así como sobre el problema de la des/encarnación de la verdad y del método científico. Este artículo trata más específicamente del pensamiento feminista del posicionamiento y de la estrategia que consiste en recuperar las voces de mujeres históricamente silenciadas. Traemos a la luz la forma en la cual esta estrategia ha sido implementada y sus relaciones esenciales con las cuestiones de la experiencia y del poder. Movilizando la figura de Antígona, en particular para mostrar cómo reivindicaciones como aquellas de las mujeres reclamando poder actuar de acuerdo con la ley de Dios (como es el caso, por ejemplo, en los debates sobre el velo) obligan a repensar el carácter situado del conocimiento.

Feminismo — Teorías del posicionamiento — Conocimientos situados — Antígona — Publico — Privado — Poder Político

Groupe ‘État et rapports sociaux de sexe’ — Qué ciudadanía para las mujeres? Situación actual y perspectivas (1987-2012)

Este artículo evoca el recorrido de la red francófona y multidisciplinaria ‘Estado y relaciones sociales de sexo’. Nacida a finales de 1980, esta ha ayudado a desarrollar el pensamiento sobre la dimensión sexuada de la ciudadanía. Tres conceptos se encontraban en el centro de sus trabajos — El Estado, las políticas sociales y la ciudadanía. Se subrayan aquí los principales enfoques teóricos que, sobre estos temas, marcaron el campo de las ciencias humanas en las últimas décadas. El artículo destaca la importancia conferida por lo·as miembro·as del grupo a la necesidad de contextualizar el tema, ya sea en una perspectiva histórica, espacial o temporal. Se abordan los giros de análisis ligados a estas nociones, en relación con el papel de los movimientos sociales que luchan por el acceso a los derechos à la ciudadanía.

Estado — Ciudadanía — Políticas sociales — Derechos sociales — Desigualdades

Isabelle Clair — Por qué pensar la sexualidad para pensar el género en sociología? Regreso sobre cuarenta años de reticencias

A partir de escritos y de proposiciones de autores de referencia en los estudios feministas franceses, este artículo intenta reconstruir un debate que nunca se llevó realmente a cabo en Francia, mientras que pudo desarrollarse en otros países (e.g. en Inglaterra y en los Estados Unidos), sobre la legitimidad de considerar la sexualidad como un objeto relevante de la investigación sociológica y como una problemática relacionada de forma específica con las conceptualizaciones feministas. Después de explicar las renuencias racionales, y en parte históricamente situadas, que se desarrollaron en Francia en contra de la inclusión del pensamiento de la sexualidad en el pensamiento del género, defenderemos el interés epistemológico y político de su articulación.

Sexualidad — Epistemología — Interseccionalidad — Sociología — Género (concepto de)

Nicky Le Feuvre, Pierre Bataille y Laura Morend — La visibilidad del género en revistas de sociología del trabajo: comparaciones entre Francia y Gran Bretaña (1987-2012)

El trabajo ha constituido un objeto privilegiado de las primeras investigaciones académicas sobre las relaciones sociales de sexo en Francia y los ‘estudios de género’ han quedado marcados por este legado. ¿Podemos decir, por tanto, que las dimensiones sexuadas del trabajo han quedado integradas en el corazón de la sociología del trabajo y que en ella, lo·as especialistas del género gozan de pleno reconocimiento? Para responder estas preguntas, proponemos un análisis comparativo de la evolución del número de artículos sobre el ‘género del trabajo’ en dos revistas de sociología del trabajo en Francia y Gran Bretaña. Se demuestra que la proporción de investigaciones sobre las dimensiones sexuadas del trabajo que encuentran lugar en estas revistas es mucho menor en Francia que del otro lado de la Mancha, y esto durante todo el período de estudio. La ‘ceguera al género’ que persiste en la sociología del trabajo en Francia no sólo oculta la realidad laboriosa de las mujeres de este país, sino que también invisibiliza y margina a lo·as (mujeres) especialistas en género en este ámbito académico.

sociología del trabajo — Estudios de género — Revistas — Edición — Francia — Gran Bretaña

Jasbir K. Puar — Homonacionalismo y biopolítica

El ‘homonacionalismo’ designa la inclusión de la homosexualidad en el discurso nacional producido especialmente por los Estados Unidos en su ‘guerra contra el terrorismo’, afirmando la superioridad sobre las demás de una civilización que habría abolido toda opresión sexual — a pesar de que la·os homosexuales de este país siguen siendo víctimas de discriminaciones y de una opresión directamente relacionada con su sexualidad. Al oponer las identidades gay y musulmana, este discurso hace simultáneamente de la homosexualidad una realidad blanca. El artículo muestra que este tipo de oposición y de creación de un sentimiento de excepcionalidad sexual (nacional y blanco) no es solamente característico de militares y estrategas estadounidenses, sino también de muchos círculos progresistas, asociativos y académicos, incluyendo feministas y queer.

Biopolítica — Homonacionalismo — Homosexualidad — Queer — Blanquedad — Heteronormatividad — Estados Unidos

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Virginie Vinel — Dinámicas de las relaciones de género y militantismo femenino en un valle siderúrgico loreno

En los años 1950 a 1970, los movimientos populares familiares y de la juventud obrera cristiana femenina fueron los medios por los cuales mujeres del valle siderúrgico de la Fensch, con frecuencia de bajos niveles académicos, se lanzaron colectivamente e individualmente a la acción. Aunque anclados en la complementariedad de los papeles de género, estas luchas comprometidas permitieron la aparición de una voz femenina en este bastión masculino y llevaron a la politización algunas de estas mujeres. Así, el artículo explora los percursos biográficos singulares de estas mujeres que dinamizaron las relaciones de género privadas y públicas en la región.

Militantismo femenino — Publico — Privado — Siderurgia — Movimientos populares familiares — Papeles sexuados

Manuela Lavinas Picq — Llevar el género a la cultura: mujeres e interlegalidad en Ecuador

Si bien el reconocimiento legal de la justicia indígena sigue siendo un componente importante de la democratización en América Latina, de hecho la ley consuetudinaria no es necesariamente favorable a las mujeres. En Ecuador, en 2008, las Amerindias aprovecharon la oportunidad ofrecida por la apertura de una Asamblea constitucional para reivindicar la integración de la equidad de género en la ley consuetudinaria. Así, el apoyo de estas mujeres a la justicia indígena no sólo ofrece una nueva configuración democrática, más diversa, sino que también constituye un verdadero desafío para las convenciones existentes en términos de prácticas ciudadanas. Para comprender en qué modo las mujeres pueden tener interés en este pluralismo jurídico, y qué impacto tiene este último sobre el Estado, este artículo vuelve sobre la paradoja de la difícil alianza entre feministas y Amerindias, así como sobre la cuestión de la accesibilidad de los sistemas de justicia consuetudinaria.

Ecuador — Equidad de género — Justicia indígena — Derechos de las mujeres — Discriminaciones — Luchas de las mujeres

Auteur•es

Pierre Bataille est doctorant FNS (Fond national suisse de la recherche scientifique) au Pôle de recherche national LIVES : « Surmonter la vulnérabilité : perspective des parcours de vie » (www.lives-nccr.ch/), à l’Université de Lausanne, et membre du Laboratoire de Sociologie (LABSO). Sa thèse porte sur les trajectoires professionnelles et familiales des diplômé·e·s des Écoles normales supérieures en France. Il a notamment publié :
— (2011). « Les paradoxes de la mixité. Les conséquences de l’introduction de la mixité aux concours d’entrée des Écoles Normales Supérieures de Saint-Cloud, Fontenay-aux-Roses et Lyon ». Sociétés contemporaines, n° 83.
— (2012). « Scientifiques de mère en fille ? Mixité, héritages sexués et pratiques éducatives familiales : le cas des normalien·ne·s de Saint-Cloud, Fontenay-aux-Roses et Lyon (1984-1987) ». In Benninghoff Martin, Fassa Farinaz, Goastellec Gaële, Leresche Jean-Philippe (eds). Inégalités sociales et enseignement supérieur. Bruxelles, De Boeck.

Oristelle Bonis est traductrice et éditrice. Après avoir longtemps codirigé la collection « Bibliothèque du féminisme » chez L’Harmattan, avec Dominique Fougeyrollas-Schwebel et Hélène Rouch, elle a fondé en 2010 la maison d’édition iXe. Parmi ses nombreuses traductions d’ouvrages consacrés au genre (qui ne constituent pas la totalité de ses objets de traduction), on notera notamment celui de Donna Haraway (2008 [1991]), Des singes, des cyborgs et des femmes. Réinvention de la nature. Paris, Jacqueline Chambon.

Sarah Bracke est professeure de sociologie à l’Université catholique de Louvain. Sa thèse de doctorat en études féministes est consacrée à l’agency et aux subjectivités des femmes dans les mouvements chrétiens et islamiques en Europe (Université d’Utrecht, 2004). En 2009, elle a réalisé la vidéo Pink Camouflage, interrogeant la façon dont les droits LGBT sont mobilisés dans la guerre contre le terrorisme. Ses recherches portent aujourd’hui sur la religion et la modernité, la sécularisation et le ‘post-séculier’, ainsi que sur les notions de subjectivité, au prisme de la théorie féministe et postcoloniale. Elle est membre du conseil d’administration de Sophia, le Réseau belge des études féministes.

Isabelle Clair est sociologue, chargée de recherche au CNRS, au sein de l’équipe Genre, Travail, Mobilités du CRESPPA (UMR 7217, CNRS, Université Paris 8). Elle travaille sur l’entrée dans la sexualité et la conjugalité des jeunes. Elle a notamment publié :
— (2008). Les jeunes et l’amour dans les cités. Paris, Armand Colin « Individu et société ».
— (2012). Sociologie du genre. Paris, Armand Colin « 128 ».

Alisa Del Re est professeure de science politique à l’Université de Padoue. Elle travaille principalement sur les politiques familiales et les problématiques de genre en matière de citoyenneté sociale et politique. Elle a publié récemment :
— (2011). « Femmes et partis politiques en Italie et en Europe : la démocratie au masculin ». Cahiers du genre, hors-série.
— (2011) (ed). Donne Politica Utopia. Padova, Il Poligrafo.

Arlette Gautier est professeure de sociologie à l’Université de Brest et codirectrice de l’école doctorale SHS de l’Université Rennes 2. Elle a travaillé sur le genre de l’esclavage puis des politiques familiales aux Antilles françaises. Ses recherches actuelles portent sur les politiques démographiques au Mexique et dans les pays en développement. Elle a publié récemment :
— (2010). Les sœurs de Solitude. Les femmes esclaves aux Antilles françaises. Rennes, Presses universitaires de Rennes « Histoire ».
— (2012). Genre et biopolitiques. L’enjeu de la liberté. Paris, L’Harmattan.

Jacqueline Heinen est professeure émérite de sociologie à l’Université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Elle travaille sur les politiques sociales en Europe de l’Est et de l’Ouest. Elle a publié récemment :
— (2011). “Gender, Family Policies and Democracy in Eastern Europe after 1989”. In Bonvin Jean-Michel et al. (eds). Transforming Gendered Well-Being in Europe: The Impact of Social Movements. London, Ashgate.
— (2012). « Religion et politique : les femmes prises au piège » (avec Sharah Razavi) (eds). Cahiers du genre, hors-série.

Jane Jenson est professeure et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en citoyenneté et gouvernance au département de science politique, Université de Montréal. Elle a récemment publié :
— (2011). « Politiques publiques et investissement social : quelles conséquences pour la citoyenneté sociale des femmes ? » Cahiers du genre, hors-série.
— (2012). « La standardisation et les mécanismes du transfert transnational » (avec Marcos Ancelovici). Gouvernement et action publique, vol. 1, n° 1.

Cynthia Kraus est philosophe, maître d’enseignement et de recherche à l’Institut des sciences sociales, Université de Lausanne, Suisse. Ses domaines de recherche incluent les études de genre et de la sexualité, et les études sociales des sciences, des techniques et de la médecine, avec un intérêt particulier pour la biologie du sexe, la clinique de l’intersexuation (et de la transsexualité) en lien avec les mouvements intersexes (et trans’), et les neurosciences. Parmi ses publications récentes :
— (2012). “Critical Studies of the Sexed Brain: A Critique of What and for Whom?” Neuroethics, vol. 5, n° 3.
— (2013). “Hypospadias Surgery in a West African Context: The Surgical (re-)Construction of What?” Feminist Theory, vol. 14, n° 1.

Manuela Lavinas Picq, spécialiste des relations internationales, travaille actuellement sur « genre et souveraineté au sein de la justice indigène en Amérique latine ». Sa thèse, explorant les politiques internationales des droits humains au Brésil, a remporté, en 2005, le prix Barrett de l’Université de Miami. Ses années de recherche en Équateur ont abouti à des publications à l’intersection du genre et de l’ethnicité. Après avoir été professeure invitée en women’s and gender studies et membre du département de science politique à Amherst College, elle a passé l’année 2012 à l’Universidade Federal do Amazonas, Brésil, afin de mettre sur pied un programme de bourse visant à analyser les relations internationales depuis l’Amazonie.

Nicky Le Feuvre est professeure ordinaire de sociologie du travail et directrice de l’Institut des sciences sociales à l’Université de Lausanne. Au sein du Pôle de recherche national LIVES, elle dirige un projet pluridisciplinaire intitulé “Vulnerability at the Interface of Professional and Family Life: Gender and Occupational Differentials”. Par ailleurs, elle participe au Programme national de recherche sur l’égalité de genre (PNR60) par le biais d’une enquête portant sur les seniors au travail et les politiques de vieillissement actif en Suisse. Elle a récemment publié :
— (2012) (avec Natalie Benelli et Séverine Rey, eds). « Les métiers de service », numéro thématique de Nouvelles questions féministes, vol. 31, n° 2.
— (2013) (avec Nathalie Lapeyre). « L’analyse de l’articulation des temps de vie au sein de la profession médicale en France : révélateur ou miroir grossissant des spécificités sexuées ? » Revue internationale Enfance, famille, génération, n° 18 : http://efg.inrs.ca

Bérengère Marques-Pereira est professeure à l’Université libre de Bruxelles. Elle enseigne les régimes politiques des États de l’Amérique latine. Elle a récemment publié :
— (2011). La politique latino-américaine. Histoire, institutions et citoyennetés (avec David Garibay). Paris, Armand Colin.
— (2012). « Savoir et système de genre au Chili, une connaissance à vocation politique et pragmatique dans un contexte démocratique ». Revue internationale de politique comparée, vol. 19, n° 3.

Laura Morend est doctorante et assistante diplômée en sociologie du travail à l’Université de Lausanne, où elle est membre du Laboratoire de Sociologie (LABSO) et du Pôle de recherche national LIVES : « Surmonter la vulnérabilité : perspective des parcours de vie » (www.lives-nccr.ch/). Son projet de thèse s’intitule : « Le rapport au travail des requérant·e·s d’asile et des réfugié·e·s. Une approche compréhensive des ‘carrières’ d’asile en Suisse romande ». Elle a écrit :
Représentations et pratiques institutionnelles de l’insertion professionnelle des requérants d’asile dans le canton de Vaud. Mémoire de Master en sciences sociales, Faculté SSP, Université de Lausanne, soutenu le 24 août 2010.

Gail Pheterson est maître de conférence en psychologie sociale à l’Université de Picardie Jules Verne, enseignant-chercheur au sein de l’équipe CSU du CRESPPA (UMR 7217, CNRS, Université Paris 8) et psychothérapeute. Elle travaille sur l’articulation entre rapports sociaux de pouvoir et défenses psychiques, le contrôle socio-étatique des femmes et leur résistance politique, particulièrement dans le contexte de la grossesse, l’avortement, la prostitution et la migration. Elle a publié, entre autres :
— (2001 [1996]). Le prisme de la prostitution. Paris, L’Harmattan.
— (2010). Femmes en flagrant-délit d’indépendance. Lyon, Tahin-Party.

Jasbir K. Puar est Associate Professor au sein du département de women’s and gender studies de la Rutgers University, États-Unis. Elle est l’auteure de Terrorist Assemblages: Homonationalism in Queer Times (Duke university Press, 2007, dont deux chapitres ont été publiés en français, aux éditions Amsterdam, en 2012). Théoricienne queer, elle propose une articulation entre gender et postcolonial studies au travers d’une analyse des effets de l’instrumentalisation de la sexualité dans la production des discours sur l’exception nationale.

María Puig de la Bellacasa est docteure en philosophie et lettres. Elle enseigne l’éthique et les science studies à l’Université de Leicester, Grande-Bretagne. Elle est membre du conseil de la Society for Social Studies of Science et membre associée du Groupe d’études constructivistes de l’Université libre de Bruxelles. Elle vient de publier : Politiques féministes et construction des savoirs. Penser nous devons ! (Paris, L’Harmattan, 2013) et son deuxième ouvrage, Science, technoscience et savoirs situés. Divergences solidaires dans la pensée de Sandra Harding et Donna Haraway, est en cours de préparation pour parution chez le même éditeur.

Martine Spensky est professeure émérite de civilisation britannique et membre du groupe EHIC, Université Blaise Pascal, Clermont II. Elle travaille aujourd’hui sur les biopolitiques dans le contexte impérial britannique et a publié à ce propos :
— (2008). « Biopolitiques et Empire britannique ». Cahiers Charles V, n° 46.
— (2009). « L’émigration des femmes ‘seules’ dans l’Empire britannique ». Sextant, n° 25.

Virginie Vinel, anthropologue, est maîtresse de conférences à l’Université de Lorraine. Ses recherches en Afrique et en France sont consacrées aux femmes et aux rapports de genre sur les thèmes du cycle de vie, des âges, des catégories et pratiques médicales, de la mémoire. Parmi ses publications :
— (2007). Féminin, Masculin : anthropologie des pratiques et des catégories médicales. Strasbourg, Le Portique (en ligne sur HAL-SHS).
— (2010). “Women’s Memories in a Depressed Steel Valley : An Attempt to Deconstruct the Imaginings of Steel-Working Lorraine”. CommunitiesOutlines: Critical Practice Studies [en ligne].

Cahiers du Genre n°54/2013

mai, 270 p.

ISSN  1165-3558 – ISBN 978-2-343-00959-9