Subjectivités et rapports sociaux

Coordonné par Maxime Cervulle, Danièle Kergoat et Armelle Testenoire

Quels sont les effets des rapports sociaux de genre, de classe et de race sur les subjectivités ? Comment celles-ci se frayent-elles des voies pour résister et permettre à un savoir collectif d’émerger ? Autant de questions qui empruntent les chemins reliant le sujet individuel au sujet collectif.

Introduction

 

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Sommaire

Dossier

Maxime Cervulle et Armelle Testenoire
Du sujet collectif au sujet individuel, et retour (Introduction)[p. 5-17]

Armelle Testenoire
Quand les femmes ne cèdent plus… L’accès des femmes kanak à la formation continue [p. 19-36]

Maxime Cervulle
La conscience dominante. Rapports sociaux de race et subjectivation [p. 37-54]

Salima Amari
Des lesbiennes en devenir. Coming-out, loyauté filiale et hétéronormativité chez des descendantes d’immigrant·e·s maghrébin·e·s [p. 55-75]

Sara Ahmed
Les rabat-joie féministes (et autres sujets obstinés) [p. 77-98]

Artemisa Flores Espínola
Subjectivité et connaissance : réflexions sur les épistémologies ‘du point de vue [p. 99-120]

Hors-champ

Maria José Casa-Nova
Citoyenneté, ethnicité et dialecticité du pouvoir dans les relations de genre. Discours et pratiques dans une communauté tsigane du Portugal [p. 121-144]

Lamia Missaoui
Les couples transfuges des territoires gitans et la scolarisation de leurs enfants [p. 145-164]

Caroline Fayolle
Le sens de l’aiguille. Travaux domestiques, genre et citoyenneté (1789-1799) [p. 165-187]

Document et hommage

Eleni Varikas
Françoise Collin. Philosophe et féministe, philosophe féministe (1928-2012) [p. 189-192]

Françoise Collin
Donner par ‘nature’, est-ce donner ? (Entretien avec Philippe Chanial et Sylvie Duverger) [p. 193-209]

Notes de lecture

— Hélène Rouch. Les corps, ces objets encombrants. Contribution à la critique féministe des sciences (Priscille Touraille)

— Danielle Chabaud-Rychter, Virginie Descoutures, Anne-Marie Devreux et Eleni Varikas (eds). Sous les sciences sociales, le genre. Relectures critiques de Max Weber à Bruno Latour (Cornelia Möser)

— Delphine Naudier et Maud Simonet (eds). Des sociologues sans qualités ? Pratiques de recherche et engagements (Isabelle Mayaud)

— Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine et Georges Vigarello (eds). Histoire de la virilité. Tome 1. L’invention de la virilité. De l’Antiquité aux Lumières (Cinzia Greco) ; Tome 2. Le triomphe de la virilité. Le XIXe siècle (Malek Bouyahia) ; Tome 3. La virilité en crise ? XXe-XXIe siècle (Pascale Molinier)

— Marylène Lieber, Janine Dahinden et Ellen Hertz (eds). Cachez ce travail que je ne saurais voir. Ethnographies du travail du sexe (Pierre Tripier)

— Audrey Guiller et Nolwenn Weiler. Le viol, un crime presque ordinaire (Gwenaëlle Perrier)

— Xavier Dunezat et Roland Pfefferkorn (eds). Raison présente « Articuler les rapports sociaux : classes, sexes, races » (Y. Marcela Garcia)

— Natacha Borgeaud-Garciandía. Dans les failles de la domination (Roland Pfefferkorn)

— Catherine Delcroix (ed). Éducation(s) et réseaux de sociabilité. Parcours de jeunes en difficulté (Pierre Tripier)

[p. 211-246]

Notes de lecture numéro 53

Résumés

Armelle Testenoire — Quand les femmes ne cèdent plus… L’accès des femmes kanak à la formation continue

Cet article a pour objet d’analyser le processus de subjectivation impulsé par une politique de discrimination positive en Nouvelle-Calédonie. Il est centré sur les parcours de femmes kanak de plus de 30 ans qui sont engagées dans des formations au métier de conductrice d’engin minier. La politique de formation continue crée des conditions matérielles qui permettent aux femmes de prendre conscience que les rapports de domination ne sont pas inéluctables. Elles s’appuient sur leurs rêves d’enfance pour oser postuler à des formations qui subvertissent la division sexuelle du travail à laquelle elles ont jusqu’alors été assujetties. Dans un second temps, l’activité de travail, parce qu’elle est socialement valorisée, entraîne une transformation du rapport à soi et aux autres dans l’action.

Nouvelle-Calédonie — Métiers masculins — Formation continue — Politiques publiques — Discriminations positives — Subjectivation

Maxime Cervulle — La conscience dominante. Rapports sociaux de race et subjectivation

À partir des travaux britanniques et états-uniens conduits depuis la fin des années 1980 autour de la construction sociale et historique des identités blanches et de leur articulation avec le racisme systémique, cet article propose d’ouvrir quelques pistes de réflexions théoriques relatives à ce que le concept de ‘blanchité’ permet de penser. Il s’agit, en particulier, de saisir les formes et modalités de la conscience des dominants, afin de détisser les trames de subjectivation raciales qui, malgré la contestation scientifique des théories racialistes, semblent perdurer, ainsi que de considérer le racisme en tant que « champ d’action positive », c’est-à-dire générant des sujets. L’enjeu est donc d’appréhender les pratiques de soi par lesquelles se constitue un sujet blanc, afin de saisir les formes de consentement tacite à la domination que manifestent ceux et celles qui en seraient les bénéficiaires.

Blanchité — Racisme — Racialisation — Subjectivation — Domination

Salima Amari — Des lesbiennes en devenir. Coming-out, loyauté filiale et hétéronormativité chez des descendantes d’immigrant·e·s maghrébin·e·s

À partir du cas de lesbiennes d’ascendance maghrébine, de leurs rapports avec leurs familles et de leur éventuel sentiment d’appartenance à la communauté gay et lesbienne en France, cet article traite de l’émergence du sujet dans la configuration complexe que forment les rapports sociaux de sexe, de race, de classe et de sexualité. Il s’appuie sur huit entretiens menés auprès de femmes âgées de 25 à 38 ans. Confrontées aux injonctions paradoxales des normes de coming-out, de loyauté filiale et d’hétéronormativité, ces femmes évoluent dans une ambivalence permanente. Une situation qui permet la construction de sujets tacites, ambivalents et incertains : des lesbiennes en devenir.

Lesbianisme — Hétéronormativité — Immigration maghrébine — Famille — Subjectivité — Coming-out

Sara Ahmed — Les rabat-joie féministes (et autres sujets obstinés)

Interrogeant la figure de la « féministe rabat-joie », cet article propose d’en explorer la négativité, aussi bien que la capacité d’agir dont elle est la promesse. Il s’agit ainsi, en repositionnant la pensée féministe comme critique de l’injonction au bonheur, de comprendre le sujet féministe en tant que sujet obstiné. L’obstination féministe est alors appréhendée comme le socle incertain d’une politique collective traduisant les émotions individuelles, la douleur ou la colère ressentie face aux injustices. Au-delà, la figure du sujet obstiné permet de saisir la façon dont, au sein des espaces féministes, les femmes noires ont pu être réduites à leur colère et désignées comme cause des divisions engendrées par le racisme. La position de sujet obstiné constituerait ainsi autant un lieu de tensions que de revendications politiques.

Féminisme — Sexisme — Racisme — Émotions — Subjectivation

Artemisa Flores Espínola — Subjectivité et connaissance : réflexions sur les épistémologies du ‘point de vue

La reconnaissance du rôle de la subjectivité dans la production de connaissance a suscité nombre de travaux féministes dont l’objet était de repenser les standards de l’objectivité tout en évitant le relativisme radical. Ces travaux relèvent des ‘épistémologies féministes’ qui, quoique recouvrant des approches très hétérogènes, remettent toutes en question une théorie de la connaissance ignorant le contexte du sujet épistémologique. Dans ce cadre, cet article vise à saisir dans quelle mesure les diverses postures épistémologiques du ‘point de vue’ concilient l’engagement politique féministe et certains critères d’objectivité. Il analyse les conditions qui permettent que la subjectivité soit considérée, non comme un obstacle, mais comme une ressource pour la production de la connaissance scientifique.

Épistémologie — Savoirs Situés — Subjectivité — Théories féministes — Théories du point de vue

* * *

Maria José Casa-Nova — Citoyenneté, ethnicité et dialecticité du pouvoir dans les relations de genre. Discours et pratiques dans une communauté tsigane du Portugal

Cet article se propose de discuter et de problématiser la façon dont se manifestent, sur un plan général et particulier, les relations de genre dans une communauté tsigane vivant dans un quartier HLM de la périphérie de Porto, au Nord du Portugal. L’analyse des données recueillies, selon une approche ethnologique, au cours de deux années de travail de terrain, permet de dévoiler les rapports de pouvoir entre les sexes et l’exercice sexué de la citoyenneté qui se vivent dans des contextes socio-géographico-culturels spécifiques : celui de la famille et celui de la communauté. Dans chacun de ces contextes, les relations de genre intègrent une subordination subordonnante et une domination subordonnée. L’analyse les saisit non seulement à travers des déterminants structurels, mais aussi à travers l’agir et les subjectivités des divers sujets-acteurs en présence qui s’affrontent dans leur double statut de citoyens et citoyennes d’un État et de membres d’une communauté relevant d’un groupe socioculturel donné.

Tsiganes — Portugal — Citoyenneté — Ethnicité — Corps

Lamia Missaoui — Les couples transfuges des territoires gitans et la scolarisation de leurs enfants

À partir d’une enquête sur la scolarisation des enfants tsiganes, cet article interroge la notion même d’intégration. Une approche socio-anthropologique a permis à l’auteure de mettre en évidence que la déscolarisation est, plus qu’un état, un processus dépendant des interactions entre institutions scolaire et familiale. Dans ce processus, les stratégies des femmes, des mères, tiennent une place centrale, fondée sur des expériences d’interactions multiples qui transforment les institutions elles-mêmes, notamment lorsqu’elles font le choix d’appartenir à des couples mixtes (gitan·e-français·e ou maghrébin·e d’origine), éventuellement transfuges des territoires gitans. La mixité met donc ici en scène des rapports d’altérité à même d’instaurer, tant à l’école que dans la famille, des normativités et des constructions identitaires nouvelles.

Tsiganes — Scolarisation — École — Famille — Couples mixtes — Transmission culturelle

Caroline Fayolle — Le sens de l’aiguille. Travaux domestiques, genre et citoyenneté (1789-1799)

Pendant la Révolution française, l’éducation est conçue comme un instrument pour redéfinir les rôles sociaux attribués aux deux sexes. En prenant l’exemple de la formation des filles aux travaux domestiques de couture, cet article se propose d’interroger les enjeux politiques de la division sexuée des travaux organisée par l’école. Justifiée par la nature, la prise en charge par les femmes des travaux domestiques est considérée comme une condition de possibilité concrète de l’exercice de la citoyenneté par les hommes. Cependant, des révolutionnaires minoritaires, contestant l’importance de l’enseignement de la couture, revendiquent le droit des femmes à s’instruire pour agir dans la Cité.

Révolution française — Rôles sexués — Éducation — Couture — Travail domestique — Citoyenneté

Abstracts

Subjectivities and social relations

Maxime Cervulle and Armelle Testenoire — From the collective subject to the individual subject, and back again (Introduction)

Armelle Testenoire — Women do not submit any longer. Kanak women’s access to continuing education

This article analyzes the process of subjectivization initiatied through a policy of positive discrimination in New Caledonia. It focuses on the training of Kanak women who are 30 years old and older, and who learn to become drivers of mining machines. This policy of adult education creates material conditions that make the women realize that it is not impossible to transform relations of domination. Inspired by their childhood dreams, this women dare to request training courses that change the traditional sexual division of labor. Then, the very activity of working, because it is socially valued, brings about changes in their relationships to themselves and to the others.

New Caledonia — Male trades — Continuing education — Public policies — Positive discriminations — Subjectivization

Maxime Cervulle — The dominant consciousness. Race relations and subjectivization

Starting from British and American studies on the social and historical construction of white identities and their articulation with systemic racism since the end of the 1980s, this article proposes to explore some of the theoretical venues that the concept of « whiteness » open for research. In particular, it proposes to focus on the forms and modalities of the consciousness of the dominant groups, in order to unravel the processes of racial subjectivization. Indeed, in spite of the scientific evidence contradicting racialist theories, race continues to play an important role in shaping subjectivities. Racism can thus be explored as « field for positive action », that is actively shaping and generating subjects. The challenge thus is to determine which practices of the self contribute to shape a white subject, in order to capture the forms of tacit assent to domination shown by those who benefit from it.

Whiteness — Racism — Racialization — Subjectivization — Domination

Salima Amari — Becoming a lesbian. Coming-out, family loyalty and heteronormativity among daughters of North African immigrants

This article explores the situation of lesbians of North African descent, their relationships with their families and their possible feeling of membership of the gay and lesbian community in France. It analyzes the emergence of a lesbian subject throught the complex configuration formed by the social relations of sex, race, class and sexuality. This article is based on eight interviews with women between 25 to 38 years old who are confronted with paradoxical injunctions with respect to the what are considered the social standards of coming-out, family loyalty and heteronormativity. These women live in a state of permanent ambivalence. A situation which allows the construction of tacit, ambivalent and uncertain subjects.

Lesbianism — Heteronormativity — North African immigration — Family — Subjectivity — Coming-out

Sara Ahmed — Feminist killjoys (and other willful subjects)

Questioning the figure of the « feminist killjoy », this essay explores its negativity, as well as its promise of agency. By framing feminist thought as a critique of happiness, it suggests that the feminist subject should be understood as a « willful subject ». The feminist willfulness is thus understood as the uncertain ground for a collective politics translating individual emotions, the pain or anger felt in the face of injustices. Furthermore, the figure of the willful feminist subject may help understand the ways by which, within feminist spaces, black women have been reduced to their anger and designated as the cause of divisions produced by racism. The position of willfulness is therefore as much a place of political tensions as a place for political claims.

Feminism — Sexism — Racism — Emotions — Subjectivization

Artemisa Flores Espínola — Subjectivity and knowledge: reflections on standpoint epistemologies

The recognition of the role of subjectivity in the production of knowledge has encouraged a number of feminists to reconsider the standards of objectivity while avoiding radical relativism. These studies pertain to « feminist epistemologies » which, although encompassing heterogeneous approaches, all challenge a theory of knowledge that ignores the context of the knowing subject. This article aims, within this framework, to understand how various « standpoint » epistemological postures try to reconcile a feminist political commitment with some criteria of objectivity. In particular, it analyzes the conditions under which subjectivity can be regarded as a resource, and not as an obstacle, for the production of scientific knowledge.

Epistemology — Situated knowledge — Subjectivity — Feminist theories — Standpoint theories

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Maria José Casa-Nova — Citizenship, ethnicity and the dialectics of power in gender relations. Narratives and practices among Portuguese Gypsies

This article proposes to discuss and to problematize the formation of gender relations, in a Gypsy community living in a low-income housing neighborhood on the outskirts of Oporto, in the north of Portugal. The data collected using an ethnological approach in the course of a two-years fieldwork, reveal the power relationships between the sexes and the gendered exercise of citizenship that are experienced in specific socio-geographic-cultural contexts, i.e. in the family and in the community. In each of these contexts, gender relations combine a form of subordinating subordination with of form of subordinate domination. These forms of domination are captured through their structural determinants, as well as through the actions and the subjectivities of the various agents who hold a dual status of citizens and of members of a specific socio-cultural group.

Gypsies — Portugal — Citizenship — Ethnicity — Body

Lamia Missaoui — Moving out of Rom territories. The schooling of children from mixed couples

This article investigates the schooling of Rom children in order to question the concept of integration. Using a socio-anthropological approach, the author highlights that dropping-out is a social process produced by the interactions between educational institutions and families. In this process, the strategies of women and mothers play a central role. They make decisions based on multiple experiments of interactions with institutions which transform the institutions themselves, in particular when they make the choice to belong to mixed couples (Romani/French or of North African origin), and to possibly move out from the Romani community. Mixed couples embody a form of otherness and contribute to create new norms and to forge new identities, both at school and in the family.

Roms — Schooling — Family — Mixed Couples — Cultural inheritance

Caroline Fayolle — The point of the needle. Domestic work, gender and citizenship (1789-1799)

During the French Revolution, education was conceived as an instrument to redefine gender roles. By taking the example of the training of girls to learn sewing, this article questions the political role of schools in the production of a gendered labor division. Women’s responsibility for domestic care, justified by « Nature », was also considered as an enabling condition for men’s exercise of active citizenship. However, a minority of revolutionaries, contested the importance of teaching sewing in order to assert women’s right to education and to be active in public life.

French revolution — Gender roles — Education — Sewing — Domestic work — Citizenship

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Eleni Varikas — Françoise Collin. Philosopher and feminist, feminist philosopher (1928-2012)

Françoise Collin — Giving by ‘nature’, is it giving? Interview with Philippe Chanial and Sylvie Duverger

Resúmenes

Subjetividades y relaciones sociales

Maxime Cervulle y Armelle Testenoire — Del sujeto colectivo al sujeto individual, y regreso (Introducción)

Armelle Testenoire — Cuando las mujeres no ceden más… El acceso de las mujeres kanak a la formación continua

Este artículo tiene por objeto analizar el proceso de subjetivación impulsado por una política de discriminación positiva en Nueva Caledonia. Se centra en los recorridos de las mujeres kanak de más de treinta años que se encuentran enroladas en formaciones para ser conductoras de máquina de minería. La política de formación continua crea condiciones materiales que permiten a las mujeres de tomar conciencia que las relaciones de dominación no son ineludibles. Ellas se apoyan sobre sus sueños de infancia para atreverse a postular a formaciones que subvierten la división sexual del trabajo a la cual ellas han estado sometidas hasta ahora. Luego, la actividad de trabajo, porque es socialmente valorada, acarrea una transformación de la relación a sí misma y a las otras personas en acción.

Nueva Caledonia — Oficios masculinas — Formación continua — Políticas públicas — Discriminaciones positivas — Subjetivación

Maxime Cervulle — La conciencia dominante. Relaciones sociales de raza y subjetivación

A partir de los trabajos británicos y estadunidenses realizados a finales de los años 1980 sobre la construcción social e histórica de las identidades blancas y de su articulación con el racismo sistemático, este artículo propone abrir algunas líneas de reflexión teóricas relativas a lo que el concepto de ‘blanquedad’ permite pensar. Se trata, más especialmente, de comprender las formas y modalidades de la conciencia de los dominantes, con el fin de destejer las tramas de subjetivación raciales que, a pesar de la protesta científica de las teorías racialistas, parecen perdurar, así como considerar el racismo como « campo de acción positiva », es decir generando sujetos. Lo que está en juego entonces es aprehender las prácticas de sí mismo por las cuales se constituye un sujeto blanco, con el fin de comprender las formas de consentimiento tácito a la dominación que manifiestan aquellos y aquellas a quienes beneficia.

Blanquedad — Racismo — Racialización — Subjetivación — Dominación

Salima Amari — Lesbianas en devenir. Coming-out, lealtad filial y hetero¬normatividad de unas descendientes de inmigrantes magrebis

A partir del caso de lesbianas de ascendencia magrebi, de sus relaciones con sus familias y de su eventual sentimiento de pertenencia a la comunidad gay y lesbiana en Francia, este artículo trata de la emergencia del sujeto en la configuración compleja que forman las relaciones sociales de sexo, de raza, de clase y de sexualidad. Se apoya sobre ocho entrevistas de mujeres que tienen de 25 a 38 anos. Enfrentándose a las conminaciones paradójicas de la normas de coming-out, de lealtad filial y de heteronormatividad, esas mujeres evolucionan en una ambivalencia permanente. Una situación que permite la construcción de sujetos tácitos, ambivalentes y inciertos: unas lesbianas en devenir.

Lesbianismo — Heteronormatividad — Inmigración magrebi — Familia — Subjetividad — Coming-out

Sara Ahmed — Las feministas aguafiestas (y otros sujetos obstinados)

Examinando la figura de la « feminista aguafiesta », este artículo propone explorar su negatividad, así como su capacidad virtual de actuar. Se trata así, reposicionando el pensamiento feminista como crítica de la conminación a la felicidad, de entender el sujeto feminista como sujeto obstinado. La obstinación feminista es entonces aprehendida como la plataforma incierta de una política colectiva traduciendo las emociones individuales, el dolor o la ira sentidos en frente de las injusticias. Más allá, la figura del sujeto obstinado permite comprender la forma en la cual, en el seno de los espacios feministas, las mujeres negras han podido ser reducidas a su ira y designadas como causa de las divisiones engendradas por el racismo. La posición de sujeto obstinado constituiría así tanto un lugar de tensiones como de reivindicaciones políticas.

Feminismo — Sexismo — Racismo — Emociones — Subjetivación

Artemisa Flores Espínola — Subjetividad y conocimiento: reflexiones sobre las epistemologías ‘del punto de vista’

El reconocimiento del papel de la subjetividad en la producción de conocimiento ha llevado el análisis feminista en ciencia a repensar la objetividad evitando el peligro del relativismo radical. Estos trabajos son enmarcados bajo el nombre de ‘epistemologías feministas’ que a pesar de recubrir enfoques muy heterogéneos, comparten la puesta en tela de juicio de una teoría del conocimiento que ignore el contexto del sujeto epistemológico. En este sentido, este artículo explora cómo las diversas posturas epistemológicas del ‘punto de vista’ se enfrentan con la dificultad de combinar el compromiso político feminista con ciertos criterios de objetividad. Se analizan las condiciones que permiten que la subjetividad sea considerada, no como un obstáculo, sino como un recurso para la conducción del conocimiento científico.

Epistemología — Conocimientos situados — Subjetividad — Teorías feministas — Teorías del punto de vista

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Maria José Casa-Nova — Ciudadanía, etnicidad y dialecticidad del poder en las relaciones de género. Discurso y prácticas en una comunidad gitana en Portugal

Este artículo propone discutir y problematizar la forma en la cual se manifiestan, sobre un plano general y particular, las relaciones de género en una comunidad gitana que vive en un barrio de viviendas sociales de la periferia de Porto, al Norte de Portugal. El análisis de datos recogidos, según un enfoque etnológico, durante dos años de trabajo de campo, permite develar las relaciones de poder entre los sexos y el ejercicio sexuado de la ciudadanía que se viven en contextos socio-geográfico-culturales específicos: el de la familia y el de la comunidad. En cada uno de esos contextos, las relaciones de género integran una subordinación subordinante y une dominación subordinada. El análisis las toma en cuenta no solamente a través de determinantes estructurales, sino también a través el actuar y las subjetividades de los diversos sujetos-actores en presencia de quienes se enfrentan en su doble estatus de ciudadanos y ciudadanas de un Estado y de miembros de una comunidad enmarcada por un grupo sociocultural dado.

Gitanos — Portugal — Ciudadanía — Etnicidad — Cuerpo

Lamia Missaoui — Las parejas transfugas de los territorios gitanos y la escolarización de sus niños

A partir de una encuesta sobre la escolarización de los niños gitanos, este artículo examina la noción misma de integración. Un enfoque socio-antropológico permitió a la autora poner en evidencia que la desescolarización es, más que un estado, un proceso que depende de las interacciones entre institución escolar y familiar. En este proceso, las estrategias de las mujeres, de las madres, tienen un lugar central, fundado sobre las experiencias de interacciones múltiples que transforman las instituciones mismas, en particular cuando deciden estar en parejas mixtas (gitano-a/francés-a o magrebi de origen), eventualmente transfugas de los territorios gitanos. La mixidad pone entonces aquí en escena relaciones de alteridad que pueden instaurar, tanto en la escuela como en la familia, unas normatividades y construcciones de identidad nuevas.

Gitanos — Escolarización — Escuela — Familia — Parejas mixtas — Transmisión cultural

Caroline Fayolle — El sentido de la aguja. Trabajos domésticos, genero et ciudadanía (1789-1799)

Durante la Revolución francesa, la educación es concebida como un instrumento para redefinir los papeles sociales atribuidos a los dos sexos. Tomando el ejemplo de la formación de las chicas a las tareas domésticas de costura, este artículo propone examinar lo que la división sexuada de los trabajos organizados por la escuela pone en juego políticamente. Justificada por la naturaleza, el hecho de que las mujeres se encargan de las tareas domesticas es considerado como una condición de posibilidad de concreta del ejercicio de la ciudadanía por los hombres. Sin embargo, unos revolucionarios minoritarios, discutiendo la importancia de la enseñanza de la costura, reivindican el derecho por las mujeres de instruirse por actuar en la Ciudad.

Revolución francesa — Papeles sexuados — Educación — Costura — Trabajo doméstico — Ciudadanía

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Eleni Varikas — Françoise Collin. Filósofa y feminista, filósofa feminista (1928-2012)

Françoise Collin — Dar por ‘naturaleza’, es dar? Entrevista con Philippe Chanial y Sylvie Duverger

Auteur•es

Sara Ahmed est professeure au Goldsmith College, à Londres, où elle enseigne les race studies et cultural studies. Auteure de nombreux articles et ouvrages, ses recherches portent sur la politique des émotions (The Promise of Happiness, 2010 ; The Cultural Politics of Emotions, 2004), le racisme (Strange Encounters: Embodied Others in Post-Coloniality, 2000 ; On Being Included: Racism and Diversity in Institutional Life, 2012), ainsi que les théories féministes et queer (Queer Phenomenology: Orientations, Objects, Others, 2006 ; Differences that Matter: Feminist Theory and Postmodernism, 1998). Elle travaille actuellement à la rédaction d’un livre intitulé Willful Subjects, à paraître aux éditions Duke University Press.

Salima Amari est doctorante en sociologie à l’Université Paris 8 – CRESPPA-GTM. Sa thèse porte sur « La question lesbienne chez des femmes maghrébines migrantes et des descendantes de parents maghrébins en France », sous la direction de Jane Freedman. Elle a publié :
— (2010). « Le cyberespace comme le tiers-espace des lesbiennes de ‘culture musulmane’ dans le monde ? » LES Online, Digital Journal on Lesbian Issues, vol. 2, n° 1.

Maria José Casa-Nova est assistant professor au Department of Social Sciences of Education et chercheuse au Centro de Investigação em Educação (Researche Center in Education), Institute of Education, University of Minho, Portugal. Elle a publié des ouvrages, chapitres d’ouvrages et articles sur : ethnographie, rapports de genre, ethnicité, culture gitane et politiques sociales et d’éducation. Elle a notamment publié :
— (2007). « Gypsies, Ethnicity, and the Labour Market: An Introduction ». Romani Studies, vol. 17, n° 1, June.
— (2010). « Tiempos y lugares de los gitanos en la educación escolar pública. Aproximaciones al conocimiento de la realidad ». Revista RASE, vol. 3, nº 1, Enero.

Maxime Cervulle enseigne la sociologie à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne en tant qu’Attaché temporaire d’enseignement et de recherche. Il a soutenu en 2011 une thèse de doctorat intitulée « L’Écran blanc. Diversité, rapports sociaux de ‘race’ et sociologie des spectateurs de cinéma ». Ses recherches portent sur l’articulation entre la politique des représentations, les processus de réception des contenus médiatiques et les modes de construction identitaire. Directeur de publication de la revue Poli – Politique de l’image, il a par ailleurs traduit Défaire le genre de Judith Butler (Éd. Amsterdam, 2006), et dirigé l’édition de l’anthologie de textes de Stuart Hall intitulée Identités et cultures. Politiques des Cultural Studies (Éd. Amsterdam, 2007). Parmi ses publications :
— (2010). Homo exoticus. Race, classe et critique queer (avec Nick Rees-Roberts). Paris, Armand Colin & INA éd. « Médiacultures ».
— (2012). « L’expérience spectatorielle comme technique de soi racialisante ». Recherches en communication, n° 36.

Philippe Chanial est maître de conférences en sociologie à l’Université Paris Dauphine, chercheur à l’IRISSO et secrétaire de la Revue du MAUSS. Parmi ses publications récentes :
— (2009). La délicate essence du socialisme. L’association, l’individu et la République. Lormont, Le Bord de l’Eau.
— (2011). La sociologie comme philosophie politique, et réciproquement. Paris, La Découverte.

Sylvie Duverger est doctorante en philosophie à l’Université Paris 8. Sa thèse, sous la direction d’Elsa Dorlin, porte sur les relectures féministes, notamment anglophones, et très précisément critiques, de Levinas. Elle a notamment publié :
— (2011). « Levinas au seuil des féminins-matriciels ». In Balcázar Moreno Mélina, Crevier Goulet Sarah-Anaïs (eds). Pensées du corps. La matérialité et l’organique vus par les sciences sociales. Paris, Presses Sorbonne nouvelle
— (2012). « La condition de possibilité du don, c’est l’égalité » (avec Christine Delphy). Revue du MAUSS, n° 39.

Caroline Fayolle est agrégée d’histoire, doctorante et Attachée temporaire d’enseignement et de recherche à l’Université Paris 8. Sa thèse, sous la direction de Michèle Riot-Sarcey, se propose d’interroger, avec l’outil du genre, les enjeux politiques de l’éducation de 1789 aux années 1820. Elle a notamment publié :
— (2010). « Les fonctions politiques de la famille dans les livres d’éducation (1793-1816) ». Dix-huitième siècle, n° 42.
— (2012). « Des institutrices républicaines (1793-1799). Annales historiques de la Révolution française, n° 2.

Artemisa Flores Espínola est doctorante en sociologie à l’Université Complutense de Madrid et chercheuse invitée du CRESPPA-CSU. Ses recherches portent sur : théorie féministe, genre, science et techniques ; méthodologies et épistémologies féministes. Parmi ses publications :
— (2005). Reflexiones feministas en ciencia. Universidad Autónoma de Nuevo León, Facultad de Filosofía y Letras, CUEG (Mexique).
— (2011). « Mujeres y feminismo en ciencia y tecnología: un análisis de revistas científicas ». In Navarro María, Estévez Betty, Sánchez Antolín (eds). Claves actuales de pensamiento. Madrid, Plaza y Valdés.

Danièle Kergoat est sociologue, directrice de recherche émérite au CNRS. Elle a créé le GEDISST (Groupe d’études sur la division sociale et sexuelle du travail), premier laboratoire français travaillant centrale¬ment sur les rapports sociaux de sexe. Elle a également créé le Réseau thématique de l’Association française de sociologie intitulé « Genre, classe, race. Rapports sociaux et construction de l’altérité ». Elle a publié des ouvrages sur les ouvrières, le travail à temps partiel, le mouvement des infirmières de 1989, la division sexuelle du travail. Ses recherches sont centrées sur le genre et les rapports sociaux de sexe, le travail, le concept de rapport social, les mouvements sociaux. Parmi ses publications récentes :
— (2009). Chemins de l’émancipation et rapports sociaux de sexe (avec Philippe Cardon et Roland Pfefferkorn, eds). Paris, La Dispute « Le genre du monde ».
— (2012). Se battre, disent-elles. Paris, La Dispute « Le genre du monde ».

Lamia Missaoui est enseignante-chercheuse en sociologie et en anthropologie. Les thèmes qu’elle a particulièrement investis sont ceux de l’apparition d’initiatives économiques durant la migration (initiatives économiques commerciales d’hommes et de femmes), et des conditions et formes de mixités sociales, de métissages, entre migrants étrangers et indigènes exclus de l’insertion économique dans l’espace de nos villes européennes. Depuis 2012, elle est membre du Réseau universitaire européen d’études Romani, programme conjoint Union européenne/Conseil de l’Europe. Elle est l’auteure de plusieurs publications concernant les Tsiganes et les étrangers en situation de mobilité internationale, notamment :
— (2005). « Familles, destins personnels et appartenances collectives en migrations » (avec Catherine Delcroix, eds). Revue européenne des migrations internationales, vol. 21, n° 3.
— (à paraitre fin 2012). Les nouveaux étrangers : quand des banlieues françaises accueillent les transmigrants de l’économie mondiale du « poor to poor » (avec Alain Tarrius et Fatima Quacha). La Tour d’Aigues, l’Aube.

Armelle Testenoire est sociologue, maîtresse de conférences à l’Université de Rouen. Elle coordonne depuis 2009 le Réseau théma¬tique 24 de l’Association française de sociologie « Genre, classe, race. Rapports sociaux et construction de l’altérité ». Ses recherches portent sur le genre et les parcours professionnels et familiaux des femmes. Parmi ses publications récentes :
— (2009). « De la complexité du social aux parcours atypiques ; l’apport d’une sociologie événementielle ». Revue suisse de sociologie, vol. 35, n° 3.
— (2010). « Articuler les paradigmes de la reconnaissance et de la redistribution ; la situation des femmes de chambre ». L’Homme et la société, n° 176-177.

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Cahiers du Genre n°53/2012

décembre, 270 p.

ISSN  1165-3558 – ISBN  978-2-336-29072-0