La distinction entre sexe et genre.
Une histoire entre biologie et culture

Coordonné par Ilana Löwy et Hélène Rouch

Introduction

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Sommaire

 Dossier

Ilana Löwy et Hélène Rouch
Genèse et développement du genre : les sciences et les origines de la distinction entre sexe et genre (Introduction) [p. 5-16]

Ivan Crozier
La sexologie et la définition du « normal » entre 1860 et 1900 [p. 17-37]

Christiane Sinding
Le sexe des hormones : l’ambivalence fondatrice des hormones sexuelles [p. 39-56]

Jean-Paul Gaudillière
La fabrique moléculaire du genre : hormones sexuelles, industrie et médecine avant la pilule [p. 57-80]

Ilana Löwy
Intersexe et transsexualités : les technologies de la médecine et la séparation du sexe biologique du sexe social [p. 81-104]

Hélène Rouch
La différence des sexes chez Adrienne Sahuqué et Simone de Beauvoir : leur lecture des discours biologiques et médicaux [p. 105-125]

Irène Jami
Sexe et genre : les débats des féministes dans les pays anglo-saxons (1970-1990) [p. 127-147]

Maneesha Lal
Sexe, genre et historiographie féministe contemporaine : l’exemple de l’Inde coloniale [p. 149-169]

Laurence Tain
Corps reproducteur et techniques procréatives : images, brouillages, montages et remue-ménage [p. 171-192]

Hors-champ

Françoise Bloch et Monique Buisson
Mesures politiques et division sociale du travail entre femmes : la garde des enfants par les assistantes maternelles [p. 193-216]

Notes de lecture

— Marie Pezé. Le deuxième corps (Roland Pfefferkorn)

— Gayle S. Rubin, Judith Butler. Marché au sexe (Pascale Molinier)

 Les Temps modernes « Présences de Simone de Beauvoir » (Christine Delphy)

— Thierry Blöss (ed). La dialectique des rapports hommes-femmes (Agathe Gestin)

— Margaret Maruani. Les mécomptes du chômage (Helena Hirata)

— Alain Bihr, Roland Pfefferkorn. Hommes-femmes. Quelle égalité ? (Josette Trat)

— Emmanuelle Lévy (ed). Vous avez dit « public » ? (Pierre Tripier)

— Pascale Vielle. La sécurité sociale et le coût indirect des responsabilités familiales. Une approche de genre (Liane Mozère)

— Actuel Marx « Les rapports sociaux de sexe » (Anne-Marie Devreux)

— Michèle Riot-Sarcey. Histoire du féminisme (Françoise Picq)

[p. 217-247]

Notes de lecture numéro 34

Résumés

Ivan Crozier — La sexologie et la définition du « normal » entre 1860 et 1900

Cet article décrit dans ses grandes lignes le développement de la sexologie, en en résumant les contributions essentielles. Il montre que le souci de définir l’instinct sexuel dit « normal », et de cataloguer les variations par rapport à cette norme est au cœur des textes de sexologie. Ce n’est pas toujours la lecture qui en a été faite, toutefois. Beaucoup d’individus « pervers » les ont lus pour façonner autrement leurs propres vies et leurs propres pratiques, en recourant au discours de la science afin d’essayer d’établir une nouvelle caractérisation du « normal ». En ce sens, le développement de la sexologie a permis de redéfinir la sexualité normale de deux façons.

Christiane Sinding — Le sexe des hormones : l’ambivalence fondatrice des hormones sexuelles

Les hormones sexuelles ont été inventées à la fin du XIXe siècle comme un élixir de vie d’origine masculine. Mais ce sont les effets thérapeutiques d’autres hormones qui validèrent aux yeux de la communauté scientifique l’existence de ces nouvelles molécules. Obéissant au modèle culturel dominant de l’existence de deux sexes bien distincts, les biologistes affirmèrent qu’il existait des hormones « masculines » agissant sur les organes considérés comme masculins, et des hormones « féminines » agissant sur les caractères « féminins ». Quand on s’aperçut que les hormones masculines pouvaient avoir des effets « féminisants » sur certains organes féminins et réciproquement, on préféra mettre en doute le sexe des sujets testés plutôt que de remettre en cause le modèle binaire des sexes. Ce n’est que vers les années 1980 que certaines féministes et minorités sexuelles remirent en question le modèle biologique binaire des sexes. La pilule contraceptive fut inventée comme un outil de « libération des femmes », mais aussi de régulation des taux de naissance destiné aux pays surpeuplés et pauvres. Des hormones sexuelles sont utilisées chez des sujets sains, comme les sportifs, pour améliorer leurs performances physiques. Les hormones furent donc inventées comme agents doubles, destinés à soigner des malades, mais aussi à transformer des sujets sains.

Jean-Paul Gaudillière — La fabrique moléculaire du genre : hormones sexuelles, industrie et médecine avant la pilule

L’histoire des hormones sexuelles est le plus souvent discutée en référence à l’invention de la pilule dans les années d’après-guerre. La molécularisation des sexes a toutefois été beaucoup plus précoce, plus complexe et plus contradictoire que cette vision ne le laisse penser. Parce qu’elle a fait intervenir tout à la fois une recherche biomédicale de haut niveau, une industrie pharmaceutique puissante et la biopolitique du régime nazi, la configuration allemande offre un terrain privilégié pour interroger les dynamiques de cette fabrique moléculaire du genre. Centré sur les rapports entre biologistes, industriels producteurs d’hormones et médecins spécialistes de la reproduction, cet article aborde trois aspects différents de l’histoire des stéroïdes sexuels avant la pilule : l’idée d’un continuum des sexes biologiques et les discussions qu’elle a suscitées, la médicalisation de la stérilité féminine et de la ménopause, et les multiples usages de la testostérone.

Ilana Löwy — Intersexe et transsexualités : les technologies de la médecine et la séparation du sexe biologique du sexe social

Le sexe social est construit sur un mode binaire. Par contre, le sexe biologique se présente comme un continuum, avec, aux deux extrêmes, les « sexes biologiques » clairement définis et, au milieu, une large gamme de situations inter-médiaires — des individus « intersexe ». De tels individus remettent en cause nos certitudes sur la stabilité des catégories « homme » et « femme ». Cet article trace l’histoire des interventions médicales ayant pour but de corriger l’anomalie de l’intersexe et de produire des êtres humains dont le corps ne remet pas en cause la bipolarité du féminin et du masculin. Il suit les débats sur les liens supposés entre intersexualité et homosexualité puis expose la transition du traitement de l’intersexualité à celui de la transsexualité. Il étudie enfin le rôle des nouvelles techniques de la médecine dans la séparation entre le « sexe » et le « genre ». La possibilité de moduler les paramètres du « sexe biologique » permet alors une réflexion sur le « sexe social » comme variable indépendante des structures biologiques.

Hélène Rouch — La différence des sexes chez Adrienne Sahuqué et Simone de Beauvoir : leur lecture des discours biologiques et médicaux

Le début du XXe siècle voit l’apparition de nouvelles disciplines telles l’endocrinologie, la génétique, la biochimie, dont les apports, conjugués à ceux de la zoologie, de l’anatomie, de l’embryologie, vont conduire à l’émergence d’une véritable science de la reproduction. On peut suivre cette évolution, en France, en particulier dans ses rapports avec le contexte sociohistorique, au travers des lectures que font des écrits scientifiques deux auteures aux convictions féministes, Adrienne Sahuqué (Les Dogmes sexuels, 1932) et Simone de Beauvoir (Le Deuxième sexe, 1949). Bien qu’elles n’utilisent pas les mêmes sources et que leur examen de la littérature scientifique sur la différence des sexes ne leur inspire pas toujours les mêmes analyses, toutes deux s’accordent sur la nécessaire distinction entre le sexe et le genre. La confrontation de leurs positions montre qu’elles anticipent les débats actuels sur les contenus et les rapports de ces deux notions.

Irène Jami — Sexe et genre : les débats des féministes dans les pays anglo-saxons (1970-1990)

Du début des années soixante-dix au début des années quatre-vingt-dix, l’élaboration théorique et les débats des féministes de langue anglaise ont, pour une large part, porté sur la définition du genre. La conceptualisation de la distinction entre sexe et genre permet d’historiciser les attributs sociaux résultant de l’identité de « femme », et d’envisager de s’en libérer.
Dans le contexte politique et intellectuel des années soixante-dix, le poids du marxisme s’est traduit par une polarisation vers une définition du genre comme constitutif d’un rapport de domination, intégré dans un système dont on tente d’explorer les rapports avec le système capitaliste dont il s’agit de s’émanciper. Les années quatre-vingt se sont distinguées par le développement de nouvelles approches influencées, notamment, par la réflexion sur les identités, le postmodernisme et le linguistic turn. Mais où situer la limite entre « nature » et « culture », entre « inné » et « acquis » ; comment distinguer ce qu’il faut imputer au « sexe » et donc tenir pour immuable, et ce qui relève du « genre », et serait donc justiciable d’une volonté politique ? Deux approches différentes, celle des féministes matérialistes et celle des postmodernistes ont abouti au même renversement de perspective : ce n’est pas le sexe, donnée biologique invariante, qui fonde la construction sociale du genre, mais le genre qui crée le sexe.

Maneesha Lal — Sexe, genre et historiographie féministe contemporaine : l’exemple de l’Inde coloniale

Quand les études postcoloniales commencèrent à atteindre une certaine visibilité dans le monde universitaire anglophone, la distinction entre « sexe » et « genre » était déjà assez bien établie dans la pensée féministe anglophone. Toutefois, les chercheurs — particulièrement ceux qui travaillaient sur l’Inde coloniale —, qui essayaient d’intégrer les apports des études postcoloniales et des études féministes, se sont montrés peu intéressés à aborder les questions du « sexe ». Ils ont plutôt contesté la notion de « sororité universelle », fondée sur les similarités biologiques présumées parmi les femmes. Influencées par les politiques multiculturalistes et identitaires dans des pays comme les États-Unis et la Grande-Bretagne, ainsi que par le mouvement féministe en Inde, les chercheuses féministes ont souligné que les femmes — et, dans les travaux plus récents, les hommes — se positionnent différemment selon des critères comme ceux de la race, la classe, la caste, la religion, la sexualité, la langue, la nation et la région. Cet essai historiographique commence par résumer brièvement la genèse des études postcoloniales et leurs relations avec les études de genre, d’une part, et la pratique historique, de l’autre. Il présente, ensuite, quelques travaux récents traitant de la maternité et de la masculinité en Inde coloniale. Cet article vise à montrer comment ces travaux ont contribué à l’élaboration du concept de genre, en l’articulant avec d’autres relations de pouvoir ainsi qu’à la déconstruction des oppositions ancestrales entre colonie et métropole, Orient et Occident, tradition et modernité.

Laurence Tain — Corps reproducteur et techniques procréatives : images, brouillages, montages et remue-ménage

C’est la fabrication du corps reproducteur dans le contexte actuel des techniques médicales de procréation qui est l’objet de cette contribution. Trois dimensions de cette production du corps envisagée comme un processus à la fois biologique et social en constant réaménagement, sont abordées successivement ici : l’image dessinée par la recherche scientifique ; l’ancrage dans la standardisation hospitalière ; le montage social découlant des réglementations. L’observation de différents indicateurs du système de genre dans chacun de ces registres — les attributs masculins et féminins, le siège de la reproduction, le système de sexualité — incite à conclure à une reproduction des rapports de genre. Néanmoins, on assiste simultanément à une plasticité corporelle, à un brouillage des catégories impliquant de nouvelles tensions : rien ne paraît donc définitivement joué dans les combinaisons potentielles des rapports sociaux entre hommes, femmes, chercheurs et médecins.

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Françoise Bloch et Monique Buisson — Mesures politiques et division sociale du travail entre femmes : la garde des enfants par les assistantes maternelles

Depuis le début des années quatre-vingt-dix, certaines mesures politiques concernant les modes de garde de la petite enfance ont favorisé le développement de l’accueil individuel au détriment de l’accueil collectif, plus coûteux pour les collectivités publiques. Cet article analyse, en termes de division sociale du travail entre femmes, les effets induits par les aides financières attribuées aux parents utilisant les services d’une assistante maternelle agréée. Ces aides facilitent la « conciliation » entre activité professionnelle et vie familiale de certaines femmes, les mieux insérées sur le marché de l’emploi mais surtout les plus solvables. A contrario, elles ne permettent pas à celles qui sont les moins solvables et les plus soumises à la flexibilité et à la précarité de l’emploi d’avoir recours à un tel mode de garde. De plus, les assistantes maternelles se trouvent confinées dans une des activités les plus féminisées et les plus précaires, qui relève de la catégorie des emplois aidés et qui inscrit ces femmes dans un rapport individuel à leur employeur. L’institution d’un tel rapport social n’est pas sans effet sur la conception de cette relation de service.

Abstracts

Ivan Crozier — Sexology and the definition of “normal” between 1860 and 1900

This paper paints a broad picture of the development of the field of sexology, summarizing many of the important contributions. It shows that the central concern of sexological writing was to establish the so-called normal sexual impulse, as well as to catalogue variance from this norm. Not all sexological texts were read in this way, however. Many “perverse” individuals read sexological texts in such a way as to reshape their own lives and their own practices, and utilised the rhetoric of science in an attempt to establish a new specification of “normal”. In this sense, the development of sexology redefined normal sexuality in two ways.

Christiane Sinding — The sex of hormones: The original founding ambivalence of sexual hormones

Sexual hormones were founded at the end of the 19th century as a masculine elixir of life. But it was the therapeutic effects of other hormones that validated the existence of these new molecules in the eyes of the scientific community. Following the dominant cultural model of two quite distinct sexes, biologists stated that there were “masculine” hormones acting on the so-called masculine organs, and “feminine” hormones acting on feminine characteristics. When it was noted that masculine hormones could have “feminizing” effects on certain feminine organs and the inverse, there was a tendency to question the sex of the subjects tested rather than the binary model of the sexes. The contraceptive pill was invented as a tool for “women’s liberation” but also for the regulation of the birth rate in over-populated and poor countries. Sexual hormones are used in healthy subjects, such as sportsmen and women, to improve their physical performance. Hormones were thus invented as double agents, to cure the sick but also to change the healthy.

Jean-Paul Gaudillière — Molecular gender-building: Sexual hormones, industry and medicine before the pill

The history of sexual hormones is usually discussed with reference to the invention of the pill in the postwar years. The molecularization of the sexes in fact was much earlier, more complex and more contradictory that this vision implies. The German experience, which brings into play the action of high-level biomedical research, a powerful pharmaceutical industry and the biopolitics of the Nazi regime is particularly interesting for this study of molecular gender building. Focused on the relations between biologists, industrial producers of hormones and doctors specialized in reproduction, this article deals with three different aspects of this history of sexual steroids before the pill: the idea of a continuum of biological sexes and the discussions that this provoked; the medicalization of female sterility and the menopause, and the multiple uses of testosterone.

Ilana Löwy — Intersex and transexualities. Medical technologies and the separation of biological sex from social sex

Social sex is constructed on a binary model. Biological sex on the other hand appears as a continuum, with the clearly defined “biological sexes” at each end and in the middle a broad range of intermediate situation — of “intersex” individuals. Such individual challenge our certitudes on the stability of the categories “women” and “men”. This article sketches the history of medical interventions intended to correct intersexual anomalies and produce human beings whose bodies did not challenge masculine/feminine bipolarity. It follows the discussions on the supposed link between intersexuality and homosexuality and then describes the shift in treatment from intersexuality to transexuality. Then it looks at the role of new medical technology in the separation between “sex” and “gender”. The possibility of shaping the parameters of the “biological sex” makes it possible to consider the “social sex” as an independent variable from the biological structures.

Hélène Rouch — The difference of the sexes in Adrienne Sahuqué and Simone de Beauvoir: Their reading of biological and medical work

The beginning of the 20th century saw the emergence of new disciplines such a endocrinology, genetics and bio-chemistry, whose contribution along with those of zoology, anatomy and embryology, created the conditions for the development of a real science of reproduction. We can follow this evolution, in France, particularly in its relationship to the socio-historical context, by the readings of scientific works by two feminist authors Adrienne Sahuqué (Les Dogmes sexuels 1932) and Simone de Beauvoir (The Second Sex, 1949). Although they do not use the same sources and their study of scientific literature on sexual difference does not always lead to the same analysis, they agree on the necessary distinction between sex and gender. Comparing their positions show that they were precursors to the current debates on the content and relationship of these two notions.

Irène Jami — Sex and genderfeminist debates in English-speaking countries (1970-1990)

From the beginning, of the 1970s to the beginning of the 1990s, a good part of the theoretical elaboration and discussions of English-speaking feminists concerned the definition of gender. The conceptualization of the distinction between sex and gender made it possible to give a historical content to the social attributes resulting from “women’s” identity and to imagine freeing women from it. In the political and intellectual context of the 1970s, the influence of Marxism was expressed in a polarization towards a definition of gender as being part of a relation of domination, integrated into a system whose links with the capitalist system — from which it was necessary to be emancipated — had to be explored. The 1980s were marked by the development of new approaches, influenced by new thinking on questions of identity, postmodernism and the linguistic turn. But where is the frontier between “nature” and “culture”, between « innate » and “learnt”; how to differentiate between that which is attributable to “sex” and therefore unchanging, and that which is a question of “gender” and therefore subject to political will? Two different approaches, materialist feminists and post­modernists, reached the same reversal of perspective: it is not sex, the unchanging biological fact, which is the basis of the social construction of gender, but gender that creates sex.

Maneesha Lal — Sex, gender and contemporary feminist historiography: The example of colonial India

When postcolonial studies began to achieve a certain visibility in the anglophone academy, the distinction between “sex” and “gender” was fairly well established in anglophone feminist thought. Scholars, particularly those working on colonial India, who sought to integrate the insights of postcolonial and feminist studies proved little interested in pursuing questions concerning “sex”. Indeed they challenged notions of “universal sisterhood” based on presumed biological similarities of sex among women. Influenced by the politics of multiculturalism and identity in countries such as the United States and Great Britain as well as by the feminist movement in India, feminist scholars emphasized instead the numerous ways in which women — and, in more recent scholarship, men — were positioned differently in colonial India according to such criteria as race, class, caste, religion, sexuality, language, nation, and region. This historiographical essay presents a brief overview of the genesis of postcolonial studies and its relations to gender scholarship and historical practice before turning to a presentation of some recent works focusing on the topics of maternity and masculinity in colonial India. It aims at showing how these works have contributed to the elaboration of the concept of gender in articulating it with other relations of power as well as to the dismantling of long-standing oppositions between colony and metropole, Orient and Occident, and tradition and modernity.

Laurence Tain — Reproductive body and reproductive technologies: Images, interferences and upheavals

The subject of this contribution is the fabrication of the reproductive body in the current context of medical reproductive technologies. Three dimensions of this production of the body, seen as a constantly changing both biological and social process, are dealt with here: the image created by scientific research, the anchoring of this in hospital standardization, and the social construction flowing from the regulations in force. The observation of the different indicators of gender in each of these fields — the masculine and feminine attributes, the location of reproduction, the systems of sexuality — leads us to conclude a reproduction of gender relations. Nevertheless we see at the same time a plasticity of the body, a blurring of categories implying new tensions: nothing therefore seems to be conclusively fixed in the potential combination of social relations between men, women, scientists and doctors.

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Françoise Bloch and Monique Buisson — Political measures and social division of labor between women: childcare by childminders

Since the beginning of the 1990s, government policy concerning forms of childcare has encouraged the growth of individual rather than collective forms of care, which is more expensive for the public authorities. This article analyses, in terms of social division of labor between women, the effects created by the financial help given to parents using the services of a registered childminder. These helpers make the “conciliation” between professional and domestic responsibilities easier for certain women, those who are better integrated into the labor market, but above all those who are better off. On the other hand they do not help the less well-off and those who are most subject to flexibility and casualization of the job market to use this form of childcare. In addition childminders find themselves confined to one of the most feminized and casualized forms of employment, which are in the category of assisted job creation, installing these women in an individual relationship with their employer. The creation of such social relations is not neutral for the conception of this service relation.

Resúmenes
Auteur•es

Françoise Bloch est sociologue au Groupe de recherche sur la socialisation (GRS), unité du CNRS associée à l’université Lyon 2. Ses travaux portent sur le lien social familial — ancré dans une dynamique du don, de la dette et des processus de filiation — et son articulation avec les trajectoires sociales et la transformation des pratiques sociales. Ses derniers travaux de recherche sont centrés sur la garde des enfants.
— (1999).  « La disponibilité à l’enfant : le don et la norme » (avec Monique Buisson). Recherches et prévisions, n° 57/58.
— (2000). « L’obligation alimentaire : entre don, équité, égalité » (avec Monique Buisson). Droit et société, n° 31.

Monique Buisson est sociologue au Groupe de recherche sur la socialisation (GRS), unité du CNRS associée à l’université Lyon 2. Ses recherches portent sur ce qui fonde le lien social familial dans la dimension verticale des relations intergénérationnelles comme dans la dimension horizontale des relations de couple, ainsi que sur l’articulation entre la vie familiale et la vie professionnelle. Récemment, elle a réalisé, avec Françoise Bloch, une recherche sur la garde des enfants, analysée du point de vue des parents et des professionnelles.
— (1992). « Prendre soin de ses petits-enfants : c’est donner, recevoir et rendre » (avec Françoise Bloch). Revue internationale d’action communautaire, n° 28/68.
— (1994). « La circulation du don entre générations ou comment reçoit-on ? » (avec Françoise Bloch). Communications,  n° 59.

Ivan Crozier est chercheur au Wellcome Institute for the History of Medicine, University College à Londres. Il est par ailleurs maître assistant au Collège européen des arts libéraux de Berlin. L’histoire de la sexologie — histoires de cas, théories, praticiens —, à laquelle il a d’abord consacré l’essentiel de ses recherches, l’a progressivement amené à s’intéresser au rapport établi au XIXe siècle entre la médecine et le droit, et tout particulièrement à la notion de la responsabilité criminelle. Il a notamment publié des articles dans plusieurs revues, dont History of Psychiatry, History of Science et Medical History.
— (2003). Constructing Sexual Inversion: Havelock Ellis, Sexology, and Homosexuality, 1850-1915 [à paraître].

Jean-Paul Gaudillière est historien des sciences, chargé de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et rattaché au Centre de recherche médecine, sciences, santé et société (CERMES). Ses travaux portent sur l’histoire des sciences de la vie à l’époque contemporaine, et en particulier sur les relations entre biologie, médecine et industrie.
— (2001). Heredity and Infection: A History of Disease Transmission (avec Ilana Löwy, eds). New York, Routledge.
— (2002). Inventer la biomédecine. La France, l’Amérique et la production des savoirs du vivant, 1945-1965. Paris, La Découverte.

Irène Jami est professeure d’histoire. Elle travaille sur l’histoire des Women’s et Gender Studies et prépare un ouvrage d’introduction aux Gender Studies. Elle est membre du comité de rédaction de la revue Mouvements.
— (2000). Coordination du dossier « Le meccano familial : les nouveaux enjeux politiques de la vie privée ». Mouvements, n° 8, mars-avril.
— (2002). Coordination du dossier « Sexe : sous la révolution, les normes : un projet politique ». Mouvements, n° 20, mars-avril.

Maneesha Lal est historienne de la médecine et des sciences. Elle a enseigné à l’université de Pennsylvannie et à l’université de Wisconsin, Madison, avant de venir en France en 1999. Elle a bénéficié de bourses postdoctorales du ministère de la Recherche en France et de la Fondation Wellcome Trust à Londres. Actuellement en train de finir un ouvrage sur l’histoire des femmes médecins en Inde coloniale, elle consacre ses recherches à l’histoire de la médecine et à l’histoire des femmes et du genre en Inde et dans l’Empire britannique. Elle travaille à l’Institut de recherches avancées de l’Université Columbia à Reid Hall (Paris).
— (2003). “Purdah as Pathology: Gender and the Circulation of Medical Knowledge in Late Colonial India”. In Hodges Sarah (ed). Reproductive Health in India: History, Politics, Controversies. New Delhi, Orient Longman. 
— (2003).  « Les féminismes en Inde ». In Gubin Eliane, Jacques Catherine, Rochefort Florence, Studer Brigitte, Thébaud Françoise, Zancarini-Fournel Michelle (eds). Le siècle des féminismes. Paris, L’Atelier [à paraître].

Ilana Löwy est historienne des sciences, directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et rattaché au Centre de recherche médecine, sciences, santé et société (CERMES). Ses travaux s’intéressent à l’histoire des « sciences pasteuriennes », à l’histoire de la médecine tropicale, ainsi qu’à « genre et biomédecine ».
— (1996). Between Bench and Bedside: Science, Healing and Interleukin-2 in a Cancer Ward. Cambridge, Mass., Harvard University Press. [Trad. française (2002). Cancer des chercheurs, cancer des cliniciens. Paris, Archives contemporaines].
— (2001). Virus, moustiques et modernité : la fièvre jaune au Brésil,  entre science et politique. Paris, Archives Contemporaines.

Hélène Rouch, agrégée de biologie, est membre du  Centre d’études, de documentation et de recherches sur les études féministes (CEDREF), université Paris 7-Denis Diderot, et codirectrice de la collection « Bibliothèque du féminisme » (L’Harmattan). Après s’être intéressée aux techniques de la maîtrise de la reproduction, elle travaille maintenant sur la question genre et science et plus particulièrement sur les rapports des féministes françaises du XXe siècle aux textes scientifiques sur la différence des sexes.
— (1995). « Les NTR : vers l’indifférenciation sexuelle ». In Ducros Albert, Panoff  Michel (eds). La frontière des sexes. Paris, PUF.
— (2002). « Acquis scientifiques et avancées féministes : Simone de Beauvoir, Suzanne Lilar, Adrienne Sahuqué ». Les Temps modernes, n° 619, juin-juillet.

Christiane Sinding est médecin, historienne des sciences et directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). Ses travaux portent sur l’histoire de l’endocrinologie. Elle prépare un ouvrage sur l’histoire de l’innovation thérapeutique dans le diabète sucré.
— (1989). Une utopie médicale. « La sagesse du corps » d’Ernest Starling, 1989. Arles, Actes Sud.
— (1991). Le clinicien et le chercheur. Des grandes maladies de carence à la médecine moléculaire, 1880-1980. Paris, PUF.

Laurence Tain est démographe-sociologue après une formation universitaire à la recherche dans ce domaine et aussi en mathématiques pures. Elle est aujourd’hui maîtresse de conférences en sociologie et membre du Centre d’études démographiques à l’université Lumière-Lyon 2. Cette trajectoire pluridisciplinaire l’a conduite à s’intéresser à la fabrication sociale des sciences et des techniques, notamment aux femmes mathématiciennes et, plus récemment, à l’expérience de la fécondation in vitro. Ses travaux actuels portent principalement sur les liens entre le corps, le genre et les techniques médicales.
— (2001). « L’hôpital, la femme et le médecin : la construction des trajectoires de fécondation in vitro ». Population, vol. 56, n° 5. [Trad. anglaise (2002). « The Hospital, the Woman and the Physician: The Construction of In Vitro Fertilization Trajectories ». Population-E, vol. 57, n° 2].
— (2003). “Health Inequality and Users’ Risk Taking: A Longitudinal Analysis in a French Reproductive Centre”. Social Science and Medicine.

Cahiers du Genre n°34/2003

mai, 264 p.

ISSN  1165-3558 – ISBN 2-7475-4601-2