Suède : l’égalité des sexes en question

Coordonné par Boel Berner, Elisabeth Elgan et Jacqueline Heinen

Introduction

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Sommaire

 Dossier

Boel Berner et Elisabeth Elgan
Le Livre blanc suédois : une enquête féministe [p. 5-31]

Anita Nyberg
Les femmes sont-elles plus dépendantes de l’État-providence que les hommes ? [p. 33-68]

Inga Persson et Eskil Wadensjö
À la recherche de l’égalité. Disparité salariale et division sexuelle du travail en Suède [p. 69-94]

Elisabeth Sundin
Les hommes font toujours l’affaire ! Ségrégation sexuelle et processus de hiérarchisation : l’exemple du commerce [p. 95-124]

Erika Apfelbaum
Politiques d’égalité professionnelle et résistances au changement [p. 125-132]

Göran Ahrne et Christine Roman
Travail domestique et rapports de pouvoir entre les sexes [p. 133-159]

Anne-Marie Daune-Richard
Travail et égalité des sexes : à propos de l’expérience suédoise [p. 161-176]

Résumés

Anita Nyberg — Les femmes sont-elles plus dépendantes de l’État-providence que les hommes ?

L’État-providence a procuré des avantages substantiels aux femmes : leur dépendance économique à l’égard des hommes a diminué, grâce à l’augmentation conjointe de leurs salaires et des prestations liées au travail. Elles ont aujourd’hui davantage les moyens de subvenir à leurs propres besoins et, le cas échéant, à ceux de leurs enfants — notamment en cas de séparation ou de divorce. Toutefois, la division sexuelle du travail n’a pas diminué pour autant, comme l’attestent les différences maintenues entre les hommes et les femmes en matière de rémunérations et de transferts monétaires de l’État. Cet article met en évidence les changements qui se sont opérés quant à la dépendance respective des hommes et des femmes vis-à-vis du marché et de l’État depuis les années soixante-dix.

Inga Persson et Eskil Wadensjö — À la recherche de l’égalité Disparité salariale et division sexuelle du travail en Suède

La Suède est souvent considérée comme un pays précurseur en matière d’égalité des sexes. À partir de comparaisons internationales sur l’utilisation du temps et sur les écarts de salaires, l’article qui suit corrige cette image en montrant qu’on est encore loin du compte. Les nombreuses études faites dans le cadre du Livre blanc sur la répartition du pouvoir et des ressources économiques entre hommes et femmes illustrent l’existence d’inégalités persistantes sur le marché de l’emploi, et les raisons d’un tel constat. L’analyse porte plus particulièrement sur les phénomènes de ségrégation professionnelle horizontale et verticale, ainsi que sur les différences de rémunéra­tion et autres compensations liées à l’emploi. La division sexuelle du travail reste le facteur explicatif majeur des différences de situation économique que connaissent les hommes et les femmes en Suède.

Elisabeth Sundin — Les hommes font toujours l’affaire !Ségrégation sexuelle et processus de hiérarchisation : l’exemple du commerce

Cet article s’appuie sur l’étude Les hommes font toujours l’affaire ! qui émane du Livre blanc suédois. Il concerne le secteur du commerce de détail et met en lumière la façon dont la culture d’entreprise influe sur les rapports entre hommes et femmes dans ce secteur, que ce soit au travers des stratégies de changement, ou dans l’application de mesures d’égalité. On y voit notamment que si la politique de la direction joue toujours un rôle clé dans le processus de ségrégation et de hiérarchisation, le pouvoir de décision est relativement dispersé aux divers échelons de l’entreprise, et qu’un espace plus ou moins large est laissé aux stratégies individuelles.

Göran Ahrne et Christine Roman — Travail domestique et rapports de pouvoir entre les sexes

La conception selon laquelle il incombe à la femme d’assumer la responsabilité des enfants et du foyer, et à l’homme de les faire vivre, marque aujourd’hui le pas. À partir d’une enquête réalisée dans le cadre du Livre blanc sur la répartition du pouvoir et des ressources économiques entre hommes et femmes, on examinera la façon dont l’appartenance sexuelle et les rapports de pouvoir influent sur les négociations entre conjoints, compte tenu des différences d’intérêts. Comme le montre cette étude, il est rare qu’en la matière il y ait véritablement égalité entre époux ou concubins, malgré les idées qui prévalent à ce propos chez l’un et l’autre sexe, même lorsque les femmes travaillent à temps complet (le partage est nettement plus équitable dans les jeunes couples sans enfant). L’explication de cette inégalité réside dans le poids des normes sexuées et dans les attentes différenciées liées aux rôles des parents. Il apparaît toutefois que les femmes disposant de ressources élevées en termes d’éducation, de revenus ou de statut professionnel rompent plus souvent avec ces normes et parviennent le mieux à imposer leurs exigences quant à la division du travail au sein du couple.

Abstracts

Inga Persson et Eskil Wadensjö — In search of gender equality: Wage differentials and job segregation in Sweden

Sweden is often considered a forerunner as concerns economic equality between women and men. In this article we first modify this picture by some international comparisons of time allocation and wage differentials. We also show that in an absolute sense economic equality between the sexes is still remote in Sweden. Based on the results from the great number of studies of the economic position of Swedish women undertaken for the “Commission on the Distribution of Economic Power and Economic Resources between Women and Men” we then illuminate the character of, and reasons behind, the differences that remain in the economic outcomes of Swedish women and Swedish men. The focus is on the labour market, especially horizontal and vertical job segregation and differences in wages and other forms of economic compensation. The division of labour remains the central factor behind the differences in economic outcomes and economic resources between Swedish women and men.

Elisabeth Sundin — Men are always in business! Gender segregation and hierarchization: The retail trade example

This article is based on the studies stemming from the Swedish White paper “Men are always in business!” which deals with the gendered division of power and economic resources. It concerns the retail trade sector and highlights the way in which the enterprise culture influences the relations between women and men in this sector, whether this through strategies for change or in the implementation of equal opportunities measures. We see in particular that while management policy always plays a key role in the process of segregation and hierarchization, decision-making power is relatively spread out among the different levels of the enterprise, and that more or less space is left to individual initiative.

Anita Nyberg — Are women more dependent on the Welfare State than men?

The Welfare State brought substantial gains for woman: their economic dependence on men lessened thanks to the combined increase in their wages and in the benefits linked to employment. Today they have more means to satisfy their own needs and, when necessary, those of their children — particularly in the case of separation or divorce. However the sexual division of labour has not lessened, as is shown by the continuing differences between women and men in both waged remuneration and state benefits. This article highlights the changes which have occurred in the relative dependence of women and men on the market and on the state since the 1970s.

Göran Ahrne et Christine Roman — Domestic labour and power relations between the sexe

The idea that women should take the responsibility for home and family and men should be the breadwinners is less dominant today. On the basis of a study of the division of labour within Swedish families, this is an examination of the way in which gender identity and power relations influence the negotiations between partners, given the differing interests. As this study shows there is rarely equality on this question between married or cohabiting partners, despite the dominants ideas of one or the other sex, and even when the women work full-time (the division is a lot more equal in young couples without children). The explanation of this inequality lies in the weight of gender norms and in the different expectations linked to parental roles. It is nevertheless apparent that women with greater resources in terms of education, income or professional status more often break with these norms and impose their demands concerning the division of labour within the couple.

Resúmenes
Auteur•es

Göran Ahrne est professeure de sociologie à l’université de Stockholm. Ses recherches portent principalement sur les rapports de pouvoir et sur l’interaction entre divers types d’organisations. Ses publications les plus récentes en anglais sont :
— (1998). “Civil society and uncivil organizations”. In Jeffrey Alexander (ed.) Real Civil Societies. London. Sage.
— (1998). “The organizational construction of social citizenship”. In Gaby Flösser and Hans-Uwe Otto (eds) Towards More Democracy in Social Services. De Gruyter.

Erika Apfelbaum est psycho-sociologue, directrice de recherche émérite au GEDISST-CNRS/Paris 8. Ses travaux sont centrés sur « Domination, pouvoir, contre-pouvoir » et sur « Identités et culture : mémoire et transmission ». Parmi ses publications :
— (1993). “Norwegian and French women in high leadership positions: The importance of cultural contexts upon gendered relations”. Psychology of Women Quarterly, 17, n° 4.
— (1999). “The impact of culture in the face of genocide. Struggling a silenced home culture and a foreign host culture”. In Squire C. (ed) Culture in Psychology.

Boel Berner est sociologue et titulaire de chaire au département de Technologie et de Changement Social à l’université de Linköping. Elle a publié plusieurs ouvrages dans une optique de genre sur le rôle social de l’ingénieur, sur l’éducation technique et sur le savoir-faire de la femme au foyer.
— (1997). Gendered Practices. Feminist Studies of Technology and Society. Stockholm.             
— (1998). “The meaning of cleaning: The creation of harmony and hygiene in the home”. History and Technology, vol 14.

Anne-Marie Daune-Richard, sociologue, est chercheuse au LEST-CNRS (Aix-en-Provence). Ses travaux portent sur la division sexuelle du travail et les rapports sociaux de sexe et concernent la France, mais aussi la Suède et le Royaume-Uni.
— (1998). “How does the ‘societal effect’ shape the use of part time work in France, the U. K. and Sweden”. In O’Reilly J. and Fagan C. (eds) Part-time Prospects. An International Comparison of Part-time Work in Europe, North America and the Pacific Rim. Routledge.
— (1999). « La notion de référentiel appliquée à la garde des jeunes enfants : une comparaison France-Suède ». Recherches et prévisions, n° 56. Paris. CNAF.

Elisabeth Elgan est chercheuse et enseignante à l’Institut d’histoire contemporaine à la nouvelle faculté de Stockholm Sud/Södertörn. Ses recherches portent sur les rapports sociaux de sexe et l’histoire politique contemporaine, dans une perspective comparatiste.
— (1997). « Quelques bonnes pratiques suédoises ». In L’accès des femmes à la prise de décision en Europe méridionale. Paris. AFEM.
— (1997). « Le modèle suédois d’égalité des sexes : aux antipodes du modèle français ! ». L’Année Européenne, Revue du groupe des Belles Feuilles.

Anita Nyberg est économiste et chercheuse à l’Institut national d’étude du monde du travail à Stockholm. Ses recherches ont principalement porté sur le travail rémunéré et non rémunéré des femmes, mais aussi des hommes.
— (1997). “On our way into – or out of – the self-service society?”. In Boel B. (ed) Gendered Practices. Feminist Studies of Technology and Society. Stockholm.
— (1997). “Women, Men and Incomes: Gender Equality and Economic Independence”. A report to the Committee on the Distribution of Economic Power and Economic Resources between Women and Men, SOU 1997 : 87. Stockholm. Fritzes.

Inga Persson est professeure de sciences économiques à l’université de Lund, en Suède. Elle est titulaire d’une chaire en économie du genre. Ses recherches portent sur la politique de l’emploi, le chômage, l’Etat-providence et la situation économique des femmes.
— (1997). (avec Christina Jonung) Economics of the Family and Family Policies. London. Routledge.
— (1998). Women’s Work and Wages. London. Routledge.

Christine Roman est chercheuse et enseignante à l’Institut de Sociologie de l’université d’Uppsala. Outre ses recherches au sein de la Commission d’enquête sur la répartition du pouvoir économique et des ressources économiques, elle a mené des recherches sur les rapports de pouvoir des sexes dans les entreprises du secteur de la communication et des technologies de pointe.
— (1994). Lika på olika villlkor. Könssegregering i kunskapsföretag [Equal Treatment Different Opportunities. Gender segregation in computer, advertising, and consulting companies] (thèse de doctorat). Uppsala.

Elisabeth Sundin est titulaire de la chaire d’administration commerciale à l’Ecole internationale de commerce de Jönköping. Elle a dirigé la partie de l’enquête officielle sur la répartition du pouvoir et des ressources économiques entre hommes et femmes au sein des organisations, thème sur lequel portent une grande partie de ses recherches récentes.
— (1998). “Gender system and the economic system in action”. Gender, Work and Organization, Vol. 5, n° 1, January.
— “Organizational conflict, technology and space: A Swedish case study”. The Service Industries Journal (À paraître).

Eskil Wadensjö est professeur d’économie et titulaire de la chaire d’économie du travail de l’université de Stockholm. Il est également doyen de la faculté des sciences sociales de cette université. Ses recherches portent sur l’économie du travail, la politique du travail et la sécurité sociale, ainsi que sur l’immigration et le marché de l’emploi.
— (1996). (ed). The Nordic Labour Markets in the 1990’s. Amsterdam. Elsevier.
— (1997). (avec Martin Rein, eds). Enterprise and the Welfare State. Cheltenham. Edward Elgar.

Cahiers du Genre n°27/2000

mai, 183 p.

ISSN  1165-3558 – ISBN 2-7384-9331-9