Temporalités du social et sexuation

Coordonné par Annette Langevin

Introduction

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Sommaire

Dossier

Annette Langevin
Introduction [p. 7-8]

Annette Langevin
Salariat et âge adulte féminin [p. 9-36]

Laura Cardia-Vonèche, Benoit Bastard, Viviane Gonik
Le temps des hommes et des femmes dans l’entreprise [p. 37-50]

Michèle Biégelmann-Massari
La vie de couple : des équilibres successifs entre aspirations féminines et masculines [p. 51-72]

Annie Junter-Loiseau
La notion de conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale : révolution temporelle ou métaphore des discriminations ? [p. 73-98]

Amparo Lasén
Le devenir féminin des temporalités juvéniles [p. 99-114]

Alda Britto da Motta
La dimension du genre dans l’analyse du vieillissement : le cas du Brésil [p. 115-134]

Hors-champ

Dominique Fougeyrollas-Schwebel
Le contrat social entre les sexes [p. 135-144]

Notes de lecture

— Albert Ducros et Michel Panoff (eds). La Frontière des sexes (Pierre Tripier)

— Paola Tabet. La construction sociale de I’inégalité des sexes. Des outils et des corps (Béatrice de Peyret)

— Michèle le Doeuff. Le sexe du savoir (Marie Ploux)

— Béatrice Appay, Annie Thébaud-Mony (eds). Précarisation sociale, travail et santé (Liane Mozère)

[p. 217-250]

 

Notes de lecture numéro 24

Résumés

Annette Langevin — Salariat et âge adulte féminin

L’âge adulte féminin est un indicateur symptomatique de la complexité de la construction et de la valorisation sociale du temps humain en général et du temps des femmes plus spécifiquement. L’argent féminin est une des composantes de la fonction maternelle adulte au fur et à mesure que le temps des femmes se trouve reversé sur le marché du travail et rémunéré, et qu’il s’évade d’un cadre familial ou il ne l’était pas. L’adultéité féminine demeure néanmoins ambiguë et restrictive tant que l’autonomie économique des femmes reste tributaire d’un statut salarial infériorisé.

Laura Cardia-Vonèche, Benoit Bastard, Viviane Gonik — Le temps des hommes et des femmes dans l’entreprise

Le présent article propose une réflexion sur le temps des hommes et des femmes dans la sphère du travail professionnel. À partir d’une étude réalisée dans trois entreprises, il met en évidence les biais systématiques qui affectent les représentations relatives à la manière dont les femmes s’investissent dans l’emploi – notamment celles qui concernent le temps partiel, l’absentéisme et les heures supplémentaires. Il suggère aussi que l’affectation des hommes et des femmes aux postes de travail, reposant sur la naturalisation des qualités de chacun des sexes, conduit en pratique à attribuer aux hommes et aux femmes des fonctions qui diffèrent, non seulement par leur contenu, mais aussi par le rythme du travail et les marges d’autonomie dont disposent les employés à l’égard du temps. Les représentations qui en résultent quant au rapport qu’entretiennent les hommes et les femmes au temps du travail sont autant de freins à la progression des femmes dans l’entreprise.

Michèle Biégelmann-Massari — La vie de couple : des équilibres successifs entre aspirations féminines et masculines

Alors que la vie de couple connaît de profonds bouleversements, l’écart d’âge entre partenaires, perçu comme une marque de l’inégalité entre hommes et femmes, reste inchangé. L’auteure rappelle, ici, son origine et ses répercussions sur la constitution des couples. Si les aspirations féminines, socialement contraintes, semblent déterminantes au moment de la première mise en couple puis de son éventuelle rupture, les aspirations masculines, rencontrant celles de femmes plus jeunes, se conjuguent, lors de la constitution de la seconde mise en couple, pour éliminer les plus âgées du marché matrimonial. La dernière phase de la vie sera donc plus solitaire pour les femmes, d’autant que la surmortalité masculine se greffe sur les facteurs précédents. L’influence de la position sociale d’une femme dans la construction de ses aspirations en matière de vie de couple laisse néanmoins présager de possibles évolutions…

Annie Junter-Loiseau — La notion de conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale Révolution temporelle ou métaphore des discriminations ?

D’où vient cet engouement pour la conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée qui envahit les politiques publiques communautaires et nationales de l’emploi, de la famille ? Derrière la formule « prête à penser », quelles sont les mesures mises en œuvres par les acteurs publics, économiques et sociaux pour harmoniser les deux univers de la famille et du travail ? À partir d’une analyse des usages de la notion de conciliation dans les textes communautaires et nationaux et de son emploi dans les conventions et accords collectifs de travail, l’auteure suggère que la conciliation procède moins d’une révolution dans l’approche des temps sociaux que d’une nouvelle manière de nommer les inégalités temporelles entre les femmes et les hommes dans la famille et le travail. Loin d’être une révolution temporelle, elle serait une métaphore des discriminations.

Amparo Lasén — Le devenir féminin des temporalités juvéniles

L’article décrit et analyse les principaux traits des temporalités des jeunes qui correspondent aux caractéristiques usuellement attribuées au temps des femmes. Cette féminisation comprend les stratégies temporelles, les usages du temps quotidien et les manières d’accorder au temps une dimension créatrice en revalorisant l’expérience. Ce qui constitue une véritable stratégie de gestion de la complexité et de l’incertitude, ainsi qu’une réponse aux limitations et à la saturation de la conception moderne d’un temps linéaire et homogène donné par l’horloge.

Alda Britto da Motta — La dimension du genre dans l’analyse du vieillissement : le cas du Brésil

Genre et génération constituent deux dimensions fondamentales de la vie en société. Ce sont aussi des catégories d’analyse des relations sociales, qui s’articulent entre elles. La vieillesse se vit à la fois de façon homogène et différenciée selon le sexe des individus et la classe sociale à laquelle ils appartiennent. Le genre définit ce que la société attend des hommes et des femmes et réglemente l’action sociale. C’est donc une entrée particulièrement importante pour présenter et expliquer les différentes trajectoires de vie sociale des deux sexes, lesquels ne vivent pas le vieillissement de manière identique au quotidien et ne sont pas affectés au même titre par les politiques publiques en direction des personnes âgées. L’article qui suit illustre cette dynamique, en s’appuyant sur des résultats d’études et de recherches menées à Bahia au Brésil.

Abstracts

Annette Langevin — Waged work and women as adults

The age at which women become adults is an important indicator of the complexity of the construction and the social value of human time in general and that of women in particular. Women’s money is one of the components of the adult maternal function to the extent to which women’s time has been turned over to the labour market and waged, and it has escaped from the family context where it was unwaged. Female adulthood remains nonetheless ambiguous and restrictive while women’s economic independence remains dependent on an inferior wage status.

Laura Cardia-Vonèche, Benoît Bastard, Viviane Gonik — and men’s time in the workplace

This article considers men’s and women’s time in the professional worksphere. On the basis of a study carried out in three enterprises it highlights the systematic bias affecting demonstrations of to what extent women invest themselves in their work — in particular concerning part-timework, absenteeism and overtime. It also suggests that the allocation of women and men to different functions, based on the idea of the natural qualities of each sex, leads in practice to allocating to men and women functions that are not only different in their content but also in their work rhythm and the margins of autonomy that employees have in relation to their time. The different representations which result of the relationship that men and women have with the work time are so many brakes on women’s progress in the workplace.

Michèle Biégelmann-Massari — The life of the couple: Changing balance between men’s and women’s aspirations

While there have been profound upheavals in the life of the couple, the difference in age between the partners, seen as a mark of inequality between men and women, remains unchanged. The author looks back at its origin and its repercussions on the forming of couples. While women’s aspirations, which are limited by society, seem determining at the time when the couple is first formed and then its eventual break-up, male aspirations, matching those of younger women combine, in the formation of second couples, to eliminate older women from the marriage market. The last phase of life will thus be more solitary for women, particularly as men’s lower life expectancy is added to these other factors. The influence of women’s social position in the forming of her aspirations concerning the life of the couple makes it possible nevertheless to envisage possible evolutions.

Annie Junter-Loiseau — The notion of concilation of professional life and private life: Revolution in time or a metaphor for discrimination?

Why this infatuation for conciliating professional life and private life which has invaded European and national public policy-making? Behind the “ready to think” formulas, what are the concrete measures put into practice by public, economic and social actors in order to harmonise the two spheres of family and work? Starting from an analysis of the use of the notion of conciliation in European and national texts and its use in collective labour agreements, the authors suggests that this conciliation flows less from a revolution in the attitude to social time than a new way of naming the time inequalities between women and men in family and work.

Amparo Lasén — The feminine future of juvenile time scales

This article describes and analyses the main features of the time scales of youth time scales which correspond to the characteristics usually attributed to women’s time. This feminisation includes time strategies, the use of daily time and the ways of giving time a creative aspect by giving a new value to experiences. This is a real strategy for managing complexity and uncertainty, as well as an answer to the limits and saturation of the modern concept of linear and homogenous time dictated by the clock.

Alda Britto da Motta — The gender dimension in the analysis of ageing: the Brazilian case

Gender and generation are two fundamental dimensions of life in society. They are also categories of analysis of social relations, which are related to each other. Old age is experienced in both a homogeneous and differentiated way depending on the sex of the individuals and the social class to which they belong. Gender defines what society expects from men and women and regulates social action. It is thus a particularly important starting point for explaining the different trajectories of social life of the two sexes, who do not experience ageing in an identical way in daily life and are not affected in the same way by public policy for old people. The article illustrates this dynamic, based on the results of studies and researches carried out in Bahia in Brazil.

Resúmenes
Auteur•es

Benoît Bastard est sociologue au Centre de sociologie des organisations du CNRS à Paris. Il a effectué des travaux sur la gestion et l’innovation dans le monde judiciaire, ainsi que sur les interventions professionnelles dans le champ de la famille et de la santé.

Michèle Biégelmann-Massari est maître de conférences à l’Institut de démographie de l’université Paris I, Panthéon-Sorbonne. Ses travaux, qui privilégient une approche sociodémographique, portent sur le mariage et la cohabitation. Les plus récents s’appuient sur les demandes de dispenses civiles au mariage présentées entre 1960 et 1992.
— (1996). « Les dispenses civiles au mariage de 1960 à 1992. I. Le choix d’un parent pour conjoint ». Population, n° 1.
— (1997). « La jurisprudence des dispenses civiles au mariage depuis 1960 : un apport sur le sens de l’institution matrimoniale ». Droit et société, n° 35.

Alda Britto da Motta est professeure de sociologie à l’université fédérale de Bahia et chercheure au NEIM (Núcleo de Estudos Interdisciplinares sobre a Mulher – Centre d’études interdisciplinaires sur la femme).
— (1995). Chegando pra idade. XIXe réunion de l’Association brésilienne d’anthropologie. Alteridades, n° 2, UFBa.
— (1996). “Os velhos baianos” (e a ‘música’ é cada vez mais nova). Bahia: Análise e dados, vol. 6, n° 1.

Laura Cardia-Vonèche est membre de l’Institut de médecine sociale et préventive (Faculté de médecine, université de Genève), et chercheure associée au Centre de sociologie des organisations, CNRS, Paris. Ses travaux portent sur le couple et la famille ainsi que sur le domaine de la santé et de la prévention. 

Dominique Fougeyrollas-Schwebel, sociologue, chargée de recherche au CNRS, est membre de l’IRIS (Institut de recherche interdisciplinaire en socio-économie), de l’université Paris-Dauphine. Ses travaux récents portent sur les enjeux sociaux et théoriques de la prise en compte des évolutions actuelles des relations de service ; ainsi que sur l’analyse du féminisme contemporain et les modalités de sa reconnaissance par les politiques publiques.
— (1996-97). « Introduction » et « De quelques traits caractéristiques des recherches féministes en France ». Cahiers du CEDREF, n° 7 – « Politique et recherches féministes, regards croisés : Brésil, Québec, France ». Coordonné par Dominique Fougeyrollas-Schwebel.
— (1998). « De la réclusion au cloisonnement. Travail domestique et salariat ». In Defalvard Hervé, Guienne Véronique (eds) Le partage du travail. Bilan et perspectives. Paris. Desclée Brouwer.

Viviane Gonik, ergonome à l’Institut universitaire romand de la santé au travail, a mené plusieurs recherches sur la question de l’égalité entre hommes et femmes au travail, ainsi que sur les facteurs de stress liés à l’organisation du travail.
Les trois auteurs cités ci-dessus ont publié récemment, avec Malik von Allmen :
— (1998). Construire l’égalité. Hommes et femmes dans l’entreprise, Genève. Georg.
Voir aussi :
— (1998). « Le sexe du travail, un bricolage permanent ». In T. Ballmer-Cao, V. Gonik (eds) Hommes/Femmes, métamorphoses d’un rapport social. Genève. Georg.

Annie Junter-Loiseau est maître de conférences en Droit social à l’université de Rennes 2. Elle est docteure d’État en droit privé et titulaire de la chaire d’études féministes. Ses recherches portent sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, en France et en Europe.
— (1998). « Du temps de travail au temps des villes ». In M. C. Belloni et J. Y. Boulin (eds) Les nouvelles frontières de l’inégalité. La Découverte.
— (1998). « La démocatie locale à l’épreuve des femmes : le cas des élues à la Ville de Rennes ». In La Parité : enjeux et perspectives. Presses Universitaires du Mirail.

Annette Langevin est membre associée du GEDISST, elle anime en collaboration avec M. Bessin le séminaire GEDISST/IRESCO : « Dynamique des repères temporels », depuis plusieurs années. Elle travaille sur l’évolution des régulations des temps sociaux dans la famille et sur le marché du travail et sur les modalités contemporaines de l’avancée en âge.
— (1997). « Déstabilisation des temps sociaux et précarisation des statuts ». In B. Appay et A. Thébaud-Mony (eds) Précarisation sociale et santé. Paris. IRESCO.
— (1999). « Les retraites des femmes salariées ». Rapport pour le ministère de l’Emploi et de la Solidarité (service des Droits des femmes).

Amparo Lasén est professeure de sociologie à l’université Carlos III de Madrid. Docteure de sociologie de l’université Paris V-Sorbonne, elle est l’auteure d’une thèse sur la conception et l’expérience du temps chez les jeunes Parisiens et Madrilènes.
— (1997). “Ritmos sociales y arritmia de la modernidad”. Política y Sociedad, nº 25.
— (1998). « Les mondes parallèles. Un apport de la science fiction à la compréhension de la temporalité des jeunes ». Sociétés, nº 62.

Cahiers du Genre n°24/1999

juin, 176 p.

ISSN  1165-3558 – ISBN 2-7384-8091-8