L’engendrement du droit

Coordonné par Coline Cardi et Anne-Marie Devreux

Le droit, pétri de genre dans le processus même de sa fabrication, ne cesse, en retour, de produire des rapports, des catégories et des identités de genre. Cette coproduction est ici analysée à travers les combats féministes, dans différents pays, divers domaines et tout au long de la chaîne du droit. Une démarche qui impose d’évaluer aussi les limites du droit à construire l’égalité.

Introduction

 

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Sommaire

Dossier

Coline Cardi et Anne-Marie Devreux
Le genre et le droit : une coproduction  (Introduction) [p. 5-18]

Annie Junter
Droit du travail et genre : entre codification et résistance à la domination masculine (Entretien réalisé par Coline Cardi et Anne-Marie Devreux) [p. 19-37]

Jane Freedman
Genre, justice et droit pénal international [p. 39-54]

Jonathan Miaz
Les ‘persécutions liées au genre’ en Suisse : les frontières du droit d’asile en question [p. 55-75]

Ali Aguado et Ian Zdanowicz
L’usage du droit dans le mouvement d’émancipation trans (Entretien réalisé par Coline Cardi et Anne-Marie Devreux) [p. 77-94]

Marième N’Diaye
Rapports sociaux de sexe et production du droit de la famille au Sénégal et au Maroc [p. 95-113]

Catherine Le Magueresse
La reconnaissance législative et jurisprudentielle du harcèlement sexuel, une victoire féministe ? (1992-2012) [p. 115-138]

Emmanuelle Lê
La construction juridique de la prostitution. Trois récits différenciés [p. 139-158]

Hors-champ

Yannick Le Quentrec
Luttes revendicatives et syndicalisme : le ‘travail d’émancipation’ des femmes salariées [p. 159-181]

Claire Donnet
Des féminités pieuses et la calcification des normes de genre [p. 183-201]

Sophie Divay
Les femmes dans la médiation sociale : une minorité ‘complémentaire’ ou discriminée [p. 203-224]

Notes de lecture

— Juliette Rennes. Femmes en métiers d’hommes. Cartes postales 1890-1930. Une histoire visuelle du travail et du genre (Céline Schoeni)

— Florence Rochefort et Éliane Viennot (eds). L’engagement des hommes pour l’égalité des sexes (XIVe-XXIe siècle) (Mathieu Arbogast)

— Djemila Zeneidi. Femmes / fraises. Import / export (Natacha Borgeaud-Garciandía)

— Sébastien Chauvin et Arnaud Lerch. Sociologie de l’homosexualité (Mickaël Durand)

— Alice Debauche et Christelle Hamel (eds). « Violences contre les femmes ». Nouvelles questions féministes (Pauline Delage)

— Emmanuelle Zolesio. Chirurgiennes au féminin ? Des femmes dans un métier d’hommes (Pascale Molinier)

— Isabelle Clair. Sociologie du genre (Aurélie Damamme)

— Natalie Pigeard-Micault. Les femmes du laboratoire de Marie Curie (Soraya Boudia)

[p. 225-253]

Notes de lecture numéro 57

Résumés

Annie Junter — Droit du travail et genre : entre codification et résistance à la domination masculine (Entretien réalisé par Coline Cardi et Anne-Marie Devreux)

Droit du travail — Droits des femmes — Égalité professionnelle — Discriminations hommes/femmes

Jane Freedman — Genre, justice et droit pénal international

L’établissement de la Cour pénale internationale (CPI) et l’adoption du Statut de Rome ont été vus par beaucoup comme un pas en avant dans la défense des droits des femmes à l’échelle internationale, et surtout dans la lutte contre les violences fondées sur le genre dans les conflits armés. Mais l’inclusion du ‘genre’ dans le Statut n’a pas été acquise sans lutte, surtout de la part des ONGs des droits des femmes. Dans cet article, nous retraçons l’histoire des débats sur le genre dans le droit pénal international pour rendre compte du processus par lequel les crimes liés au genre ont été reconnus dans le Statut de Rome. Puis nous analysons l’application du droit pénal international dans certains cas de crimes liés au genre pour montrer les obstacles qui persistent à une vraie prise en compte des enjeux de genre par le droit, et enfin nous discutons la façon dont la jurisprudence de la CPI pourrait avoir une influence plus large sur la reconnaissance du genre dans d’autres sphères du droit international ou national.

Droit pénal international — Justice de genre — Luttes féministes — Violences sexuelles — Violences liées au genre — Femmes et guerres

Jonathan Miaz — Les ‘persécutions liées au genre’ en Suisse : les frontières du droit d’asile en question

À travers le cas suisse, cet article analyse l’intégration d’une dimension de genre dans la définition juridique de la notion de réfugié∙e. L’auteur y montre comment différents niveaux de la chaîne du droit ont contribué à cette évolution, laquelle est donc appréhendée à la fois par le haut (instances internationales, débats parlementaires, jurisprudence), mais aussi par le bas, dans les pratiques internes de l’administration. En mettant en lien ces différents niveaux, l’auteur insiste sur le rôle important que jouent les fonctionnaires dans la production des normes juridiques (et non pas seulement dans leur seule application). Enfin, il montre que, si les ‘persécutions liées au genre’ sont davantage prises en compte, elles restent des motifs ‘de seconde zone’ dont le caractère politique demeure dénié.  

Suisse — Droit d’asile — Réfugié∙e∙s — Persécutions liées au genre

Ali Aguado et Ian Zdanowicz — L’usage du droit dans le mouvement d’émancipation trans (Entretien réalisé par Coline Cardi et Anne-Marie Devreux)

Transsexualité — Mouvement trans — Droit — Discriminations — Bicatégorisation sexuée — Identité de genre

Marième N’Diaye — Rapports sociaux de sexe et production du droit de la famille au Sénégal et au Maroc

Au Sénégal et au Maroc, la réforme du droit de la famille avait pour objectif de concilier impératifs de la religion islamique et reconnaissance du principe d’égalité des sexes. La question du statut des femmes a constitué l’enjeu central des débats construits autour de l’opposition entre égalité et complémentarité, qui renvoie à la tension entre reconnaissance des droits individuels et volonté de préserver l’institution familiale, érigée en symbole d’une identité culturelle et religieuse. L’objet de cet article est d’examiner comment la problématique du genre a été intégrée au débat et quelle a été son influence sur les textes adoptés. Malgré l’adoption de réformes substantielles, la conception de l’égalité juridique est restée tributaire du cadre islamique et n’a pas nécessairement intégré une réflexion critique sur les rapports de genre.

Maroc — Sénégal — Droit de la famille — Droit musulman — Statut des femmes — Égalité des sexes

Catherine Le Magueresse — La reconnaissance législative et jurisprudentielle du harcèlement sexuel, une victoire féministe ? (1992-2012)

Nommé et défini par les féministes, le harcèlement sexuel est devenu, en France, grâce à leur mobilisation, un délit pénal en 1992. Néanmoins, la définition légale puis jurisprudentielle de cette infraction échappa alors significativement à celles qui avaient initié ce mouvement législatif. Face aux résistances à la reconnaissance de cette réalité, les féministes n’ont pas désarmé et leur ténacité a porté ses fruits : la loi du 6 août 2012 a globalement tenu compte de leurs critiques et demandes. La vigilance est cependant de mise quant à son application.

Droit pénal — Harcèlement sexuel — Luttes féministes

Emmanuelle Lê — La construction juridique de la prostitution. Trois récits différenciés

Cet article aborde la question de la sexualité rémunérée en interrogeant la façon dont le droit français différencie des activités qui impliquent toutes des pratiques sexuelles échangées contre de l’argent. Mon hypothèse est que ces activités s’inscrivent dans des espaces discursifs très différents, qui ont produit des figures ‘prostitutionnelles’ contrastées qu’on ne saurait réduire à des stéréotypes de genre prédéterminés. Une analyse du droit au prisme du genre implique ainsi que l’on reste attentive à la transformation de ces stéréotypes — à la multiplicité des intérêts des femmes, donc, et à l’inversion possible des rapports de pouvoir, les conséquences de ces régimes pouvant faire l’objet d’interprétations variées.

Droit — Normes juridiques — Sexualité rémunérée — Prostitution — Pornographie

* * * * *

Yannick Le Quentrec — Luttes revendicatives et syndicalisme : le ‘travail d’émancipation’ des femmes salariées

À distance des analyses sociologiques qui se centrent exclusivement sur l’exploitation capitaliste et la domination et mettent en scène des salarié∙e∙s impuissant∙e∙s et résigné∙e∙s, il s’agit d’interroger dans cet article les conditions du travail d’émancipation des femmes salariées, au croisement des rapports sociaux de classe, de sexe et de race. Après avoir montré dans, un premier temps, les enjeux pour le féminisme de reconnaître l’existence d’espaces de liberté dans le travail et dans le syndicalisme, je m’appuie sur quelques cas de figure de luttes de femmes pour mettre au jour et discuter, dans un second temps, trois dimensions du travail d’émancipation des femmes : l’auto-nomination collective, la praxis émancipatrice et la sororité de classe et de race.

Luttes des femmes — Syndicalisme — Émancipation des femmes — Sororité — Puissance d’agir

Claire Donnet — Des féminités pieuses et la calcification des normes de genre

Cet article, s’inscrivant dans une perspective butlérienne de performativité de la norme, questionne une modalité à part entière de la puissance d’agir : le processus de consolidation des normes. À travers l’étude d’une communauté pieuse, l’association Excellence, nous verrons que la ‘production de l’espace’ lors des rencontres des membres de l’association est l’une des formes de production de la domination et de l’oppression de genre. Cet espace, dans lequel les exigences sociales de piété sont supérieures à celles qui s’appliquent dans l’espace quotidien, favorise la co-construction de sujets sexués et pieux. Les femmes, bénévoles de l’association, déploient ainsi une puissance d’agir paradoxale qui passe par leur assujettissement actif aux normes de genre et non par leur processus de subversion.

Religion — Islam — Rôles sexués — Espaces non-mixtes — Normes de genre

Sophie Divay — Les femmes dans la médiation sociale : une minorité ‘complémentaire’ ou discriminée

La mise en place des emplois de médiation sociale dans le cadre du programme « Nouveaux services – emplois-jeunes » représente l’un des épisodes de l’histoire des mesures de lutte contre le chômage, en l’occurrence des jeunes. Toutefois, le chômage demeure d’actualité et il est utile de tirer les leçons de ce dispositif récent afin d’éviter la répétition des effets pervers de certaines orientations idéologiques impensées qui ont sanctionné les hommes et plus particulièrement les femmes engagé∙e∙s dans ces contrats aidés, notamment en raison d’une invisibilisation des rapports sociaux de sexe au profit d’une catégorisation d’âge.

Médiation sociale — Emplois-jeunes — Politiques publiques — Rôles sexués — Discriminations — Sexisme

Abstracts

Engendering Law

Coline Cardi and Anne-Marie Devreux — Law and Gender: A Coproduction (Introduction)

Annie Junter — Labour Law and Gender: Between Codification and Resistance to Male Domination (Interview carried out by Coline Cardi and Anne-Marie Devreux)

Labour law — Women’s rights — Professional equality — Male/female discrimination

Jane Freedman — Gender, Justice and International Criminal Law

The establishment of the International Criminal Court (ICC) and the adoption of the Rome Statute were viewed by many as a step forward in the defence of women’s rights on an international scale, and above all in the fight against gender-based violence in armed conflicts. But the inclusion of ‘gender’ in the Statute was not acquired without a struggle, especially on the part of women’s rights NGOs. In this article, we examine the history of the gender debates in international criminal law, in order to trace the process through which gender-related crimes were acknowledged in the Rome Statute. We then analyse the application of international criminal law to specific cases of gender-related crimes, in order to show the enduring obstacles that prevent gender issues from genuinely being taken into account by law; finally, we discuss the way in which ICC jurisprudence could have a wider influence on the acknowledgement of gender in other spheres of international or domestic law.

International criminal law — Gender justice — Feminist struggles — Sexual violence — Gender-related violence — Women and war

Jonathan Miaz — ‘Gender-Related Persecution’ in Switzerland: Questioning the Limits of the Right to Asylum

Using the case of Switzerland, this article analyses the inclusion of a gender dimension in the legal definition of the concept of a refugee. The author shows how various levels legal authority have contributed to this development, shaped by influences both from above (international authorities, parliamentary debates, jurisprudence) and from below, through the internal practices of administrations. By articulating these different levels together, the author shows the crucial role played by civil servants in the production of legal standards (and not just in their application alone). Finally, the article shows that, while ‘gender-related persecution’ is increasingly taken into account when assessing refugees’ claims, it remains a ‘secondary’ issue, considered as devoid of any political dimension.

Switzerland — Right to asylum — Refugee∙s — Gender-related persecution

Ali Aguado and Ian Zdanowicz — The Use of Law in the Trans Emancipation Movement (Interview carried out by Coline Cardi and Anne-Marie Devreux)

Transsexuality — Trans movement — Law — Discrimination — Sex/gender bicategorisation — Gender identity

Marième N’Diaye — Gender-Related Social Relations and the Production of Family Law in Senegal and Morocco

In Senegal and Morocco, family law reform was aimed at reconciling the requirements of the Islamic religion with the acknowledgement of the principle of gender equality. The question of the status of women was the central issue of debates structured around the opposition between equality and complementarity, which in turn reflects the tension between the acknowledgement of individual rights and the desire to preserve the institution of the family, taken up as the symbol of national cultural and religious identity. The aim of this article is to examine how the issue of gender was integrated into the legal debates and how it influenced the laws that were adopted. Despite considerable reforms having been adopted, the concept of legal equality remains subject to the Islamic framework and does not necessarily integrate a critical reflection on gender relationships.

Morocco — Senegal — Family law — Islamic law — Status of women — Gender equality

Catherine Le Magueresse — Does the legislative and jurisprudential acknowledgement of sexual harassment constitute a feminist victory? (1992-2012)

Named and defined by feminists, sexual harassment became a criminal offence in 1992 in France thanks to feminist activism. Nevertheless, the legal and then jurisprudential definition of this offence was then significantly altered and differed from the definition promoted by activists who mobilized for the legislation. Feminists did not disarm in front of the resistances that refused to recognize sexual harassment, and their tenacity eventually paid off: the law of 6 August 2012 on the whole took into account their criticisms and demands. However, vigilance will be required as to how it is applied.

Criminal law — Sexual harassment — Women’s struggles

Emmanuelle Lê — The Legal Construction of Prostitution. Three Differentiated Stories

This article explores the issue of remunerated sex by examining the way in which French law differentiates between activities that all imply that sexual practices are exchanged for money. The hypothesis is that these activities are defined within very different discursive spaces, which have produced contrasting ‘prostitutional’ figures that cannot be reduced to predetermined gender stereotypes. An analysis of the law through the prism of gender thus implies that we should stay attentive to the transformation of these stereotypes: legal narratives are open to varied interpretations and can accommodate a multiplicity of definitions of women’s, and to the possible inversion of power relations.

Law — Legal standards — Remunerated sex — Prostitution — Pornography

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Yannick Le Quentrec — Protest Struggles and Trade Unionism: The “Work for Emancipation” of Women in Employment

While many sociological analyses focus exclusively on capitalist exploitation and on domination, and therefore consider employees to be powerless and resigned, the present article aims to examine how women who work also to emancipate themselves at the intersection of class, gender and race. After first showing what issues are involved for feminism in acknowledging the existence of spaces of freedom in work and in trade unionism, I use several scenarios of women’s struggles to then highlight and discuss three aspects of women’s work for emancipation: collective self-nomination, emancipatory praxis and the sisterhood along class and race.

Women’s struggles — Trade unionism — Women’s emancipation — Sisterhood — Agency

Claire Donnet — Pious Femininities and the Crystallisation of Gender Norms

This article, which takes on a Butlerian perspective of the performativity of norms, examines an important modality of agency: the process by which norms are consolidated. Through the study of a religious community, the Excellence association, we will see that the ‘production of space’ during the meetings between members of the organization contributes to the production of domination and gender oppression. This space, within which social requirements of piety are more stringent than those that apply in daily spaces, promotes the co-construction of gendered and pious subjects. The women who volunteer as members of this association thus deploy a paradoxical agency that implies their active subjection to gender norms rather than the subversion of those norms.

Religion — Islam — Gendered roles — Single-sex spaces — Gender standards

Sophie Divay — Women in Social Mediation: Complementarity or Discrimination?

The creation of social mediation jobs within the framework of the ‘Nouveaux services – emplois-jeunes’ (‘New Services – Jobs for Young People’) programme is one of the chapters of the history of measures to combat unemployment of young people. However, unemployment remains a pressing issue and it is useful to learn the lessons from this recent programme in order to avoid repeating the perverse effects of certain ideological orientations that were not reflected upon, and that discriminated against the men and even more so against the women who benefited from these subsidised contracts. Indeed, the use of age-based categories has contributed to obscure gender relations.

Social mediation — Unemployment — Public policies — Gender roles — Discrimination — Sexism

Resúmenes

El engendramiento del derecho

Coline Cardi y Anne-Marie Devreux — Derecho y género: una coproducción (Introducción)

Annie Junter — Derecho del trabajo y género: entre codificación y resistencia a la dominación masculina (Entrevista realizada por Coline Cardi y Anne-Marie Devreux)

Derecho del trabajo — Derechos de las mujeres — Igualdad profesional — Discriminaciones hombres/mujeres

Jane Freedman — Género, justicia y derecho penal internacional

El establecimiento de la Corte Penal Internacional (CPI) y la adopción del Estatuto de Roma han sido vistos por muchos como un paso adelante en la defensa de los derechos de las mujeres en el nivel internacional y sobre todo en la lucha contra las violencias basadas sobre el género en los conflictos armados. Sin embargo la inclusión del ‘género’ en el Estatuto no fue adquirida sin lucha, sobre todo de la parte de las ONGs de los derechos de las mujeres. En este artículo, retrasamos la historia de los debates sobre el género en el derecho penal internacional para dar cuenta del proceso por el cual los crímenes relacionados con el género han sido reconocidos en el Estatuto de Roma. A continuación analizamos la aplicación del derecho penal internacional en ciertos casos de crímenes por motivios de género para mostrar los obstáculos que persisten para una verdadera consideración de los intereses del género por el derecho, y finalmente discutimos la forma en que la jurisprudencia de la CPI podría tener un impacto más amplio sobre el reconocimiento del género en otros ámbitos del derecho internacional o nacional.

Derecho penal internacional — Justicia de género — Luchas feministas — Violencias sexuales — Violencias por motivos de género — Mujeres y guerras

Jonathan Miaz — Las ‘persecuciones por motivos de género’ en Suiza: las fronteras del derecho de asilo en cuestión

A través del caso de Suiza, el presente trabajo analiza la integración de una perspectiva de género en la definición legal del concepto de refugiado∙a. El autor muestra cómo diferentes niveles de la cadena del derecho han contribuido a esta evolución, la cual es entonces aprehendida a la vez por lo alto (instancias internacionales, debates parlamentarios, jurisprudencia), pero también por lo bajo, en las prácticas internas de la administración. Mediante la vinculación de estos niveles, el autor hace hincapié en el importante papel que desempeñan los funcionarios públicos en la producción de las normas jurídicas (y no solamente en su aplicación). Por último, muestra que, si las ‘persecuciones por motivos de género’ son cada vez más tomadas en cuenta, continúan siendo motivos ‘de segunda clase’, cuyo carácter político permanece negado.

Suiza — Derecho de asilo — Refugiado∙a∙s — Persecuciones por motivos de género

Ali Aguado e Ian Zdanowicz — El uso del derecho en el movimiento de emancipación trans (Entrevista realizada por Coline Cardi y Anne-Marie Devreux)

Transexualidad — Movimiento trans — Derecho — Discriminaciones — Bicategorización sexuada — Identidad de género

Marième N’Diaye — Relaciones sociales de sexo y producción del derecho de la familia en Senegal y Marruecos

En Senegal y Marruecos, la reforma del derecho de la familia tenía como objetivo conciliar los imperativos de la religión islámica y el reconocimiento del principio de la igualdad de los sexos. La cuestión de la situación de las mujeres fue el tema central de los debates construidos en torno a la oposición entre igualdad y complementariedad, que se refiere a la tensión entre el reconocimiento de los derechos individuales y la voluntad de preservar la institución familiar, erigida como símbolo de una identidad cultural y religiosa. El propósito de este artículo es examinar cómo la problemática del género fue incluida en el debate y cuál ha sido su influencia en los textos adoptados. A pesar de la adopción de reformas sustanciales, la concepción de la igualdad jurídica permaneció dependiente del marco islámico y no ha incluido necesariamente una reflexión crítica sobre las relaciones de género.

Marruecos — Senegal — Derecho de la familia — Derecho musulmán — Estatus de las mujeres — Igualdad de los sexos

Catherine Le Magueresse — El reconocimiento legislativo y jurisprudencial del acoso sexual, ¿una victoria feminista? (1992-2012)

Nombrado y definido por las feministas, el acoso sexual se ha convertido, en Francia, gracias a sus movilizaciones, un delito penal en 1992. Sin embargo, la definición legal después jurisprudencial de esta infracción escapó entonces de manera significativa a aquellas que iniciaron este movimiento legislativo. Frente a las resistencias al reconocimiento de esta realidad, las feministas no se han desarmado y su tenacidad ha dado frutos: la ley del 6 de agosto 2012 ha tenido de forma general en cuenta sus críticas y demandas. Sin embargo la vigilancia es necesaria en cuanto a su aplicación.

Derecho penal — Acoso sexual — Luchas feministas

Emmanuelle Lê — La construcción jurídica de la prostitución. Tres historias diferenciadas

En este artículo se aborda el tema de la sexualidad remunerada cuestionando la forma en que el derecho francés distingue las actividades que implican todas las prácticas sexuales a cambio de dinero. Mi hipótesis es que estas actividades se inscriben en muy diferentes espacios discursivos, que han producido figuras ’prostitucionales’ contrastadas que no podríamos reducir a estereotipos de género predeterminados. Un análisis del derecho desde la perspectiva de género implica entonces que nos mantengamos atentos a la transformación de estos estereotipos — entonces a la multiplicidad de los intereses de las mujeres y a la posible inversión de las relaciones de poder, las consecuencias de estos regímenes pueden dar lugar a diversas interpretaciones.

Derecho — Normas jurídicas — Sexualidad remunerada — Prostitución — Pornografía

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Yannick Le Quentrec — Luchas revindicativas y sindicalismo: el ‘trabajo de emancipación’ de las mujeres asalariadas

Lejos de los análisis sociológicos que se centran exclusivamente en la explotación capitalista y la dominación y ponen en escena los empleado∙a∙s impotentes y resignado∙a∙s, se trata de interrogar en este artículo las condiciones del trabajo de emancipación de las mujeres asalariadas, en la intersección de las relaciones sociales de clase, género y raza. Después de haber mostrado, en un primer momento, los retos para el feminismo de reconocer la existencia de espacios de libertad en el trabajo y en el sindicalismo, yo me apoyó sobre algunos casos particulares de luchas de las mujeres para poner de relieve y discutir, en un segundo tiempo, tres dimensiones del trabajo de la emancipación de las mujeres: la auto-nominación colectiva, la praxis emancipadora y la sororidad de clase y raza.

Luchas de las mujeres — Sindicalismo — Emancipación de las mujeres — Sororidad — Poder de actuación

Claire Donnet — Feminidades piadosas y la calcificación de las normas de género

Este artículo, que se inscribe en una perspectiva butleriana de la performatividad de la norma, cuestiona una modalidad completa del poder de actuar: el proceso de consolidación de las normas. A través del estudio de una comunidad piadosa, la asociación Excelencia, veremos que la ‘producción del espacio’ en las reuniones de los miembros de la asociación es una de las formas de producción de la dominación y de la opresión de género. Este espacio, en el que las demandas sociales de piedad son superiores a las que se aplican en el espacio cotidiano, favorece la co-construcción de sujetos sexuados y piadosos. Las voluntarias de la asociación, despliegan así un poder de actuación paradójico que pasa por su subyugación activa a las normas de género y no por su proceso de subversión.

Religión — Islam — Papeles sexuados — Espacios no-mixtos — Normas de género

Sophie Divay — Las mujeres en la mediación social: una minoría ‘complementaria’ o discriminada

La introducción de los empleos de mediación social en el marco del programa “Nuevos servicios – empleos juveniles” representa uno de los episodios de la historia de las medidas de lucha contra el desempleo, a saber, de la juventud. No obstante, el desempleo sigue manteniéndose como un asunto de actualidad y es útil aprender de este dispositivo reciente para evitar la repetición de los efectos perversos de ciertas orientaciones ideológicas impensadas que han sancionado los hombres y particularmente a las mujeres comprometidas en estos contratos subvencionados, debido en particular a la invisibilización de las relaciones sociales de sexo en favor de una categorización por edad.

Mediación social — Empleos juveniles — Políticas públicas — Papeles sexuados — Discriminaciones — Sexismo

Auteur•es

Ali Aguado a été impliqué dans différentes associations et collectifs féministes depuis 2001. En 2007, il a participé au premier groupe de travail de ce qui deviendra, en 2012, le mouvement international Stop Trans Pathologization (STP2012) et a été à plusieurs reprises porte-parole pour la marche Existrans. 
Militant depuis 2009 à l’association OUTrans, il a coordonné la première campagne nationale d’incitation au dépistage du VIH pour les trans et leurs partenaires, après avoir contribué à la réalisation de la brochure DTC (Dickclit et Tes Claques) et à la Commission Santé de l’association.
Activiste engagé dans la lutte féministe et pour l’émancipation des minorités, Ali Aguado est aussi formateur d’auto-défense depuis 2010. Il a suivi une formation de formateur dans le cadre d’un projet européen de lutte contre les violences faites aux femmes, coordonné par l’association Garance.

Coline Cardi est sociologue, maîtresse de conférences à l’Université Paris 8 et chercheuse au Cresppa-CSU. Elle est spécialiste de la déviance et du contrôle social des femmes, analysés au prisme des politiques pénales, familiales et sociales. Sa thèse, intitulée La déviance des femmes. Délinquantes et mauvaises mères : entre prison, justice et travail social, paraîtra prochainement aux éditions De Boeck/Larcier « Crimen ». Elle a codirigé, avec Geneviève Pruvost, l’ouvrage Penser la violence des femmes (La Découverte, 2012) et deux numéros de la revue Champ Pénal/Penal Field, consacrés au « contrôle social des femmes violentes » (2011) et aux « parentalités enfermées » (2014).

Anne-Marie Devreux est sociologue, directrice de recherche au CNRS. Ses travaux portent sur l’épistémologie du genre, la théorie des rapports sociaux de sexe et les hommes comme dominants. Elle prépare actuellement un ouvrage collectif sur la prise en compte du genre dans les disciplines hors sciences humaines et sociales et codirige le « Défi genre » de la Mission pour l’interdisciplinarité du CNRS. Parmi ses publications :
— (2009). « ‘Le droit, c’est moi’. Formes contemporaines de la lutte des hommes contre les femmes dans le domaine du droit ». Nouvelles questions féministes, vol. 28, n° 2.
— (2010). Sous les sciences sociales, le genre. Relecture critique de Max Weber à Bruno Latour (codirection avec Danielle Chabaud-Rychter, Virginie Descoutures et Eleni Varikas). Paris, La Découverte.

Sophie Divay est sociologue, maîtresse de conférences à l’Université de Reims et membre du Centre d’études et de recherches sur les emplois et les professionnalisations (CEREP). Ses principaux thèmes de recherche portent sur les métiers et les groupes professionnels du secteur social et de la santé. Sur le thème de la médiation sociale, elle a notamment publié :
— (2004). « La médiation sociale en emploi jeune : une activité professionnelle virile ». VEI Enjeux, n° 138.
— (2006). « L’enfermement des jeunes de banlieue dans des catégories d’âge et de sexe ». Annales de la recherche urbaine, n° 100, juin.

Claire Donnet est docteure en sociologie des religions au laboratoire Dynamiques européennes à l’Université de Strasbourg. Ses travaux portent sur l’étude des subjectivités musulmanes intégralistes en France. Elle a notamment publié :
— (2013). « Une mosquée pour exister. Le militantisme de jeunes musulmans strasbourgeois ». Archives de sciences sociales des religions, n° 162.
— (2014). « Organisations musulmanes et pouvoirs locaux : concurrence et normalisation par l’‘islam civil’ à Strasbourg ». In Lamine Anne-Sophie (ed). Quand le religieux fait conflit. Désaccords, négociations ou arrangements. Rennes, Pur.

Jane Freedman est professeure de sociologie à l’Université Paris 8 et membre du laboratoire Cresppa-GTM. Elle mène des recherches sur les différentes formes de violences liées au genre, et sur les réponses institutionnelles et politiques à ces violences. Parmi ses publications récentes :
— (2014). Gender, Politics and Violence in the Democratic Republic of Congo. Aldershot, Ashgate.
— (2014). Gendering the International Asylum and Refugee Debate. Basingstoke, Palgrave Macmillan [Second Edition, Revised and Updated].

Annie Junter est juriste (docteure en droit privé) et maîtresse de conférences à l’Université Rennes 2. Titulaire de la Chaire d’études sur l’égalité entre les femmes et les hommes depuis 1985, elle mène des travaux de recherche sur les questions d’égalité entre les femmes et les hommes dans les secteurs privé et public, au sein du CIAPHS (unité de recherche interdisciplinaire, Université de Rennes). Parmi ses publications :
— (2010). « La discrimination sexiste : les regards du droit » (avec Caroline Ressot). Revue de l’OFCE, n° 114.
— (2010). « La diversité sans droit, ni obligation » (avec Réjane Sénac-Slawinski). Revue de l’OFCE, n° 114.

Emmanuelle Lê est allocataire de l’Institut Émilie du Châtelet et doctorante à l’École de droit de Sciences Po, où elle poursuit une thèse sur la prostitution, sous la direction des professeurs Christophe Jamin et Mikhaïl Xifaras. Elle s’intéresse aux normes juridiques liées au corps et à la sexualité, et plus généralement au rôle que joue le droit dans la production des figures du sujet. Lauréate Fulbright et A. Sachs, elle approfondit actuellement ses recherches sur les approches critiques du droit à la Harvard Law School.

Catherine Le Magueresse est juriste. Ancienne présidente de l’AVFT (Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail), elle est doctorante à l’UMR de droit comparé Paris 1 – Panthéon Sorbonne, membre de REGINE (Université Paris Ouest Nanterre La Défense), et chargée de cours à l’Université Paris 8. Ses recherches portent principalement sur la critique féministe du droit pénal et sur la prise en compte par le droit des violences masculines à l’encontre des femmes. Parmi ses publications :
— (2011). « De la nécessaire critique féministe du droit ». Jurisprudence.  Revue critique, n° 2.
— (2014). « La (dis-) qualification pénale des ‘violences sexuelles’ commises par des hommes à l’encontre de femmes ». In Hennette-Vauchez Stéphanie, Pichard Marc, Roman Diane (eds). La loi & le genre. Études critiques de droit français. Paris, CNRS Éd.

Yannick Le Quentrec est sociologue à l’Université Toulouse 2, membre du CERTOP, pôle SAGESSE, et professeure associée à l’Institut régional du travail de Midi-Pyrénées. Ses recherches s’intéressent aux employé∙e∙s de bureau, aux femmes dans la prise de décision politique et syndicale ainsi qu’aux militants syndicaux et leurs rapports à l’égalité des sexes. Elle est l’auteure de plusieurs ouvrages, notamment :
— (2003). Femmes : engagements publics et vie privée (avec Annie Rieu). Paris, Syllepse.
— (2005). Les hommes entre résistances et changements (avec Daniel Welzer-Lang, Martine Corbière et Anastasia Meidani). Lyon, Aleas.

Jonathan Miaz est doctorant en science politique à l’Université de Lausanne et à l’Université de Strasbourg. Sa thèse porte sur les usages sociaux du droit en matière d’asile en Suisse : « L’administration de l’asile à l’épreuve de sa contestation. Pratiques administratives et défense juridique des migrant∙e∙s en Suisse ». Ses intérêts scientifiques concernent à la fois la sociologie de l’action publique « par le bas » (street-level bureaucracy), la sociologie du droit et la sociologie des mobilisations qui recourent à « l’arme du droit ».

Marième N’Diaye est docteure en science politique de l’IEP de Bordeaux, post-doctorante à l’Université de Montréal et chercheure associée au LAM (Les Afriques dans le monde), CNRS – Sciences Po Bordeaux. Après avoir soutenu sa thèse sur « La politique constitutive au Sud. Refonder le droit de la famille au Sénégal et au Maroc », elle poursuit des recherches sur la mobilisation du droit par le mouvement social féminin au Sénégal. Elle a notamment publié :
— (2011). « Le développement d’une mobilisation juridique dans le combat pour la cause des femmes : l’exemple de l’association des juristes sénégalaises (AJS) ». Politique africaine, n° 124, décembre.
— (2012). « Ambiguïtés de la laïcité sénégalaise : la référence au droit islamique ». In Dupret Baudouin (ed). La charia aujourd’hui. Usages de la référence au droit islamique. Paris, La Découverte.

Ian Zdanowicz est militant d’OUTrans depuis 2010, secrétaire général de 2011 à 2013 et membre de la Commission Santé de l’association. Il a participé à la rédaction collective de nombreux communiqués de presse et interventions d’OUTrans. Il a aussi contribué au projet de campagne nationale d’incitation au dépistage du VIH pour les trans et leurs partenaires, réalisée par l’association OUTrans, et fait partie du groupe du travail de formations à l’accueil des personnes trans dans le milieu médical.

Cahiers du Genre n°57/2014

décembre, 270 p.

ISSN  1165-3558 – ISBN 978-2-34304979-3