Analyse critique et féminismes matérialistes

Coordonné par Annie Bidet-Mordrel, Elsa Galerand et Danièle Kergoat

Centré sur les féminismes matérialistes, leurs développements, différences et formes de renouvellement, ce numéro contribue à mettre au jour quelques-unes des tensions qui marquent actuellement la réflexion sur le genre ou les rapports sociaux de sexe, ainsi que leurs relations avec d’autres rapports de pouvoir (de classe, de race, de colonialité, de sexualité). Il s’agit de rendre visible l’apport de ces courants au processus plus général d’émancipation.

Introduction

 

Vous trouverez, en suivant ce lien, l’Introduction en version pdf

Sommaire

 Dossier

Annie Bidet-Mordrel, Elsa Galerand et Danièle Kergoat
Analyse critique et féminismes matérialistes. Travail, sexualité(s), culture (Introduction) [p. 5-27]

Maxime Cervulle
Matière à penser. Controverses féministes autour du matérialisme [p. 29-52]

Sylvia Walby
Postpostmodernisme ? Théoriser la complexité sociale [p. 53-72]

Jules Falquet
La combinatoire straight. Race, classe, sexe et économie politique : analyses matérialistes et décoloniales
[p.  73-96]

Patricia Hill Collins
Quelles politiques sexuelles pour les femmes noires ? [p. 97-127]

Danielle Juteau
Un paradigme féministe matérialiste de l’intersectionnalité [p. 129-149]

Alexis Cukier
De la centralité politique du travail : les apports du féminisme matérialiste [p. 151-173]

Xavier Dunezat
La sociologie des rapports sociaux de sexe : une lecture féministe et matérialiste des rapports hommes/femmes [p. 175-198]

Evelyn Nakano Glenn
Pour une société du care [p. 199-224]

Hors-champ

Vivian Aranha Sabóia
Régulation de l’emploi des femmes au Brésil : entre avancées et résistances [p. 225-241]

Document

Lourdes Maria Bandeira
Que vont devenir les actions du Secrétariat de politique pour les femmes (SPM) au Brésil ? [p. 243-246]

Résumés

Maxime Cervulle — Matière à penser. Controverses féministes autour du matérialisme

À partir d’une relecture de la controverse qui, en 1979, opposa Christine Delphy aux britanniques Michèle Barrett et Mary McIntosh, cet article propose de reconsidérer la nature de la tension entre féminismes matérialiste et poststructuraliste qui a émergé en France à partir des années 1990. Ces deux querelles, qui se succèdent historiquement, apparaissent en effet traversées par un même conflit, relatif à la conception du matérialisme. Ce questionnement sur le hors-champ de la ‘méthode marxienne’ qu’a empruntée Delphy fait écho aux conflits théoriques qui caractérisent les réceptions croisées des modèles féministes des deux côtés de l’Atlantique et de la Manche. Un retour sur le contexte intellectuel britannique, dans lequel s’est déployée la controverse de 1979, permettra d’éclairer certaines des dynamiques du clivage contemporain qui, au sein des théories féministes, oppose artificiellement idéalisme et matérialisme. Il autorisera en outre une exploration des liens qui unissent les cultural studies et le féminisme poststructuraliste.

Théories féministes — Matérialisme — Poststructuralisme — Marxisme — Cultural studies

Sylvia Walby — Postpostmodernisme ? Théoriser la complexité sociale

L’article « Postpostmodernisme ? Théoriser la complexité sociale » a été publié pour la première fois en 1992, conjointement à une série d’autres sur les développements de la théorie féministe. Il note les difficultés des théories sociales traditionnelles à rendre compte, notamment, des processus sociaux à grande échelle, mais récuse les réponses offertes par les postmodernistes. Sont mis en exergue la nécessité d’une perspective globale — point qui n’est pas repris ici — et le besoin permanent de théoriser le changement social pris dans son ensemble, en termes de classe et d’inégalité. Cet article a joué un rôle précurseur dans les productions récentes sur la théorie de la complexité.

Postmodernisme — Patriarcat — Théories de la complexité sociale — Inégalités (sexe, race, classe)

Jules Falquet — La combinatoire straight. Race, classe, sexe et économie politique : analyses matérialistes et décoloniales

L’article retrace d’abord les apports des féministes matérialistes francophones — principalement Guillaumin, Wittig, Tabet et Mathieu. Celles-ci ont transformé la notion de ‘travail’, en théorisant l’appropriation des corps comme ‘machines-à-force-de-travail’. Elles ont montré que la sexualité pouvait être appréhendée comme un travail, dans la continuité des rapports sociaux de sexe existants, et profondément dénaturalisé la maternité. L’auteure propose ensuite le concept de ‘combinatoire straight’. Régissant à la fois l’alliance et la filiation, et organisant les dynamiques simultanées et historiques des rapports sociaux de sexe, race et classe, la combinatoire straight constitue un nouvel outil pour analyser la reproduction sociale et pour penser le développement historique du capitalisme, mais aussi l’actualité néolibérale, dans une perspective qui rejoint une partie du féminisme décolonial latino-américain et des Caraïbes.

Rapports sociaux (sexe, race, classe) — Reproduction sociale — Sexualité — Économie politique des sexes — Lesbianisme

Patricia Hill Collins — Quelles politiques sexuelles pour les femmes noires

Partant du constat du silence des femmes noires sur leur sexualité, de l’invisibilité ou du traitement partiel de cet objet dans les recherches noires ou féministes en général, ce texte dresse le tableau des différentes approches possibles de la sexualité, celle des femmes noires en particulier. Si la sexualité peut se penser comme un système d’oppression autonome parallèle aux autres systèmes de race, de classe, de nation, de genre, on peut aussi la penser comme élément particulier de chaque système spécifique d’oppression. Mais l’analyse de la pornographie, de la prostitution, du viol invite plutôt à la penser comme ‘site d’intersectionnalité’ où se rencontrent et s’entrecroisent différents systèmes d’oppression.

Politiques sexuelles — Sexualité — Corps — Violences contre les femmes noires — Intersectionnalité — Racisme — Hétérosexisme

Danielle Juteau — Un paradigme féministe matérialiste de l’intersectionnalité

Le paradigme féministe matérialiste de l’intersectionnalité introduit les rapports sociaux de sexe dans l’analyse intersectionnelle. Matérialiste, il éclaire ce qui est en amont des catégories sociales, les rapports les constituant comme différenciées, hiérarchisées, antagoniques et indissociables ; féministe matérialiste, il se penche sur le rapport d’appropriation constitutif des classes de sexe comme facteur explicatif des inégalités entre hommes et femmes. L’examen de la violence exercée contre les femmes fait ressortir son apport spécifique.

Féminisme matérialiste — Intersectionnalité — Rapports sociaux (sexe, classe, race) — Violences contre les femmes

Alexis Cukier — De la centralité politique du travail : les apports du féminisme matérialiste

L’article examine les apports du féminisme matérialiste pour penser la centralité politique du travail, et plus particulièrement la fonction du travail dans un projet de démocratisation de l’ensemble des rapports sociaux. Il analyse d’abord la manière dont le féminisme matérialiste transforme la compréhension et l’extension du concept de travail, puis la question du rapport spécifique de la classe des femmes au travail, enfin le problème du rapport d’une politique féministe du travail à l’État. Il défend que le féminisme matérialiste permet d’opposer au néolibéralisme la perspective d’un ‘travail démocratique’, en insistant sur la nécessaire pars destruens d’un tel travail.

Féminisme matérialiste — Travail (concept de) — Rapports sociaux — Classe des femmes — Travail démocratique

Xavier Dunezat — La sociologie des rapports sociaux de sexe : une lecture féministe et matérialiste des rapports hommes/femmes

L’article présente les principaux apports du courant dit de la sociologie des rapports sociaux de sexe au féminisme matérialiste français. D’abord, il retrace les prémisses de ce courant et les lignes de tension qui en sont à l’origine. Ensuite, il montre comment les trois apports épistémologiques majeurs de ce courant (division sexuelle du travail, rapport social, consubstantialité) fondent une sociologie matérialiste des rapports sociaux et de leur articulation. Enfin, il interroge le ‘travail d’émancipation’ en pointant les ambivalences qui structurent la production des subjectivités dominées, les dynamiques mobilisatrices, l’organisation du travail militant.

Féminisme matérialiste — Rapports sociaux de sexe (sociologie des) — Rapports sociaux (sexe, classe, race) — Travail militant — Émancipation

Evelyn Nakano Glenn — Pour une société du care

Dans cet article désormais classique, l’auteure plaide pour la construction d’une société qui reconnaisse la valeur du care. Le travail bénévole du care a toujours été considéré comme une obligation familiale, et non comme une contribution au bien public, tandis que le travail rémunéré du care s’est trouvé assigné de façon disproportionnée aux groupes infériorisés de la population, tels que les femmes de couleur et les migrantes. De fait, on accorde aussi peu de valeur au travail du care lui-même qu’à celles qui l’accomplissent. Or, dans une société où l’on reconnaîtrait que le care est un vrai travail, non seulement pourrait-on considérer les bénéficiaires de ce travail comme des citoyen∙ne∙s à part entière, mais aussi reconnaître comme un service public précieux le care ainsi dispensé. Atteindre ces objectifs implique de repenser des notions fondamentales telles que la citoyenneté sociale, d’amorcer des changements dans le domaine du care rémunéré et de faire évoluer les pratiques d’emploi pour permettre aux travailleur∙e∙s de concilier leur travail et leurs responsabilités en matière de care.

Care — Travail du care — Citoyenneté sociale — États-Unis — Famille — Division raciale du travail

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Vivian Aranha Sabóia — Régulation de l’emploi des femmes au Brésil : entre avancées et résistances

Les luttes féministes et les luttes de femmes pour l’égalité des sexes sont à l’origine d’une série de dispositions internationales remontant à plus d’un demi-siècle, qui visent à combattre les discriminations. Grâce aux luttes sociales, elles ont été ratifiées par le Brésil et ont conduit, au cours des vingt dernières années, à l’adoption de multiples outils en faveur de l’égalité des sexes. Toutefois, comme le montre cet article, les dispositions légales en question ne suffisent pas à éliminer les inégalités qui pèsent sur la vie professionnelle des femmes.

Brésil — Emploi des femmes — Discriminations de sexe — Politiques publiques — Résistances

Abstracts

Critical Analysis and Materialist Feminisms

Annie Bidet-Mordrel, Elsa Galerand and Danièle Kergoat — Critical Analysis and Materialist Feminisms. Work, Sexualities, Culture (Introduction)

Maxime Cervulle — The Heart of the Matter. Feminist Controversies Over Materialism

Based on a re-reading of the controversy that arose in 1979 between Christine Delphy and the British authors Michèle Barrett and Mary McIntosh, this article aims to reconsider the nature of the tension between the materialist and post-structural strains of feminism that emerged in France from the 1990s. These two historically successive disputes indeed appear to have at their heart a similar conflict, which is related to differing conceptions of materialism. This investigation of what the “Marxian method” used by Delphy left aside, echoes the theoretical conflicts that characterize the receptions of feminist thinking on both sides of the Atlantic and of the English Channel. Returning to the British intellectual context within which the 1979 controversy developed allows the author to elucidate some of the dynamics at work in the contemporary divide, which, in feminist theories, artificially opposes idealism and materialism. In addition, it also allows an exploration of the connections that unite cultural studies and post-structuralist feminism.

Feminist theories — Materialism — Post-structuralism — Marxism — Cultural studies

Sylvia Walby — Post-Post-Modernism? Theorizing Social Complexity

‘Post-post-modernism? Theorizing social complexity’ was first published in 1992 as part of a collection of papers discussing developments in feminist theory. It recognises the difficulties with traditional theories of society, especially with respect to large scale social processes, but refuses the post-modernist response to these problems. It insists on the need for a global horizon (although this section is cut from this new edition) and for the continuing need to theorise large scale social change, class and inequality. This article was a forerunner of recent work on complexity theory.

Post-modernism — Patriarchy — Theories of social complexity — Inequalities (gender, race, class)

Jules Falquet — The straight Matrix. Race, Class, Gender and Political Economics: Materialist and Decolonial Analysis

This article starts by reviewing the contributions of francophone materialist feminists – mainly Guillaumin, Wittig, Tabet and Mathieu. They have transformed the concept of ‘labour’, by theorising the appropriation of bodies as ‘machines with labour power’. They have shown that sexuality can be understood as labour, in continuity with existing gender-related social relations, and they have profoundly denaturalised motherhood. The author then puts forward the concept of ‘straight matrix’. Governing at once union by marriage and filiation, and organising the simultaneous and historical dynamics of social relations connected to gender, race and class, straight combinatorics constitutes a new tool for analysing social reproduction and analysing the historical development of capitalism, but also the current neoliberal reality, in a perspective that connects with parts of Latin-American and Caribbean decolonial feminism.

Social relations (gender, race, class) — Social reproduction — Sexuality — Political economy of gender — Lesbianism

Patricia Hill Collins — The Sexual Politics of Black Womanhood

Starting from the observation that black women tend to be silent about their sexuality, and that this subject is invisible or only partially explored in black studies or feminist research in general, this text provides an overview of the various possible approaches to sexuality, and in particular that of black women. While sexuality can be thought of as an autonomous system of oppression working in parallel to other systems based on race, class, nation or gender, we can also view it as a particular element within each specific system of oppression. But the analysis of pornography, of prostitution and of rape rather invites us to think of it as a “site of intersectionality” where different systems of oppression meet and intersect.

Sexual policies — Sexuality — Body — Violences against black women — Intersectionality — Racism — Heterosexism

Danielle Juteau — A Materialist Feminist Paradigm of Intersectionality

The materialist feminist paradigm of intersectionality introduces gendered social relations into intersectional analysis. Being materialist, it exposes what comes before social categories, the relations that constitute them as differentiated, hierarchical, antagonistic and indivisible; being materialist feminist, it investigates the relationship of appropriation that leads to the creation of gender classes as an explanatory factor in the inequalities between men and women. The analysis of the violence to which women are subjected highlights its specific contribution.

Materialist feminism — Intersectionality — Social relations (gender, class, race) — Violences against women

Alexis Cukier — On the Political Centrality of Labour: The Contributions of Materialist Feminism

This article examines the contributions of materialist feminism in terms of thinking about the political centrality of labour, and more particularly about the function of labour within the project of democratizing of all social relations. It starts by analysing how materialist feminism transforms our understanding of the concept of labour, then looks into the issue of the specific relationship of the class of women to labour, and finally explores the problem of the relationship between a feminist labour policy and the state. It argues that materialist feminism allows us to oppose the perspective of ‘democratic labour’ to neoliberalism, by insisting on the necessary critical purchase of such labour.

Materialist feminism — Labour (concept of) — Social relations — Class of women — Democratic labour

Xavier Dunezat — The Sociology of Gendered Social Relations: a Feminist and Materialist Reading of Relationships between Men and Women

This article presents the main contributions made by the school of thought known as the sociology of gendered social relations to French materialist feminism. First, it summarizes the premises of this theory and the tensions out of which it arose. It then shows how three major epistemic contributions from this school (the gendered division of labour, social relations, consubstantiality) provide the foundations for a materialist sociology of social relations and of their articulation. Finally, it explores ‘emancipatory work’ by highlighting the ambivalences that structure the production of dominated subjectivities, the dynamics that lead to people becoming politically active, and the organisation of activist work.

Materialist feminism — Gender-related social relations (sociology of) — Social relations (gender, class, race) — Activist work — Emancipation

Evelyn Nakano Glenn — Creating a Caring Society

Creating a society that recognizes the value of caring labor is critical to resolving the contemporary crisis of care. Unpaid caring has been treated as a family obligation rather than a public societal contribution, while paid caring has been assigned disproportionately to devalued sections of the population that are stereotyped as inferior, such as women of color and immigrant women. Thus caring labor and those who do it are devalued. A caring society would recognize caring as real work, view care receivers as full citizens entitled to care, and acknowledge that caregivers perform a valuable societal service. Reaching these goals would require us to rethink such basic concepts as social citizenship and to institute changes in paid caring and employment practices to accommodate workers’ caring responsibilities.

Care — Care work — Social citizenship — United States — Family — Racial division of labour

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Vivian Aranha Sabóia — Regulation of Female Labour in Brazil: Between Progress and Resistance

Feminist struggles and the struggles of women for gender equality have sparked a series of international measures that go back over half a century, aimed at fighting discrimination. Thanks to social struggles, these have been ratified by Brazil and have led, over the course of the past twenty years, to the adoption of numerous tools for the promotion of gender equality. However, as this article shows, the legal provisions in question are not enough to cancel out the inequalities weighing upon women’s professional lives.

Brasil — Women employment — Gender discriminations — Public policies — Resistances

Lourdes Maria Bandeira — What will Become of the Initiatives Started by the Secretariat for Women’s Policies (SPM) in Brazil?

Resúmenes

Análisis crítico y feminismos materialistas

Annie Bidet-Mordrel, Elsa Galerand y Danièle Kergoat — Análisis crítico y feminismos materialistas. Trabajo, sexualidad(es), cultura (Introducción)

Maxime Cervulle — Materia a pensar. Controversias feministas sobre el materialismo

A partir de una relectura de la controversia que, en 1979, opusó Christine Delphy a las británicas Michèle Barret y Mary McIntosh, este artículo propone de reconsiderar la naturaleza de la tensión entre feminismos materialistas y posestructuralistas que emergió en Francia a partir de los años 1990. Estas dos disputas, que se suceden históricamente, aparecen en efecto atravesadas por un mismo conflicto, relativo a la concepción del materialismo. Este cuestionamiento sobre el fuera de campo del ‘método marxiano’ que ha tomado prestado Delphy hace eco a los conflictos teóricos que caracterizan las recepciones cruzadas de los modelos feministas de los dos lados del Atlántico y de la Mancha. Un regreso sobre el contexto intelectual británico, en el cual se desarrolló la controversia de 1979, permitirá de aclarar algunas de las dinámicas del desacuerdo contemporáneo que, en el seno de las teorías feministas, opone artificialmente idealismo y materialismo. Esto autorizará además una exploración de los vínculos que unen los cultural studies y el feminismo posestructuralista.

Teorías feministas — Materialismo — Posestructuralismo — Marxismo — Cultural studies

Sylvia Walby — ¿Posposmodernismo? Teorizar la complejidad social

El artículo « ¿Posposmodernismo? Teorizar la complejidad social » fue publicado por la primera vez en 1992, conjuntamente a una serie de otros sobre los desarrollos de la teoría feminista. Este apunta las dificultades que tienen las teorías sociales tradicionales para dar cuenta, en particular, de los procesos sociales a gran escala, pero recusa las respuestas dadas por las posmodernistas. Se ponen en evidencia la necesidad de una perspectiva global — punto que no es retomado aquí — y la necesidad permanente de teorizar el cambio social en su conjunto, en términos de clase y de desigualdad. Este articulo juega un papel precursor en las producciones recientes sobre la teoría de la complejidad.

Posmodernismo — Patriarcado — Teorías de la complejidad social — Desigualdades (de sexo, raza, clase)

Jules Falquet — La combinatoria straight. Raza, clase, sexo y economía política: análisis materialistas y decoloniales

El artículo presenta primero los aportes de las feministas materialistas francófonas — principalmente Guillaumin, Wittig, Tabet y Mathieu. Transformaron la noción de “trabajo”, al analizar la apropiación de los cuerpos como máquinas-de-fuerza-de-trabajo. Demostraron que la sexualidad podía ser aprehendida como un trabajo, en el marco de las relaciones sociales de sexo prevalecentes, y desnaturalizaron profundamente la maternidad. Jules Falquet propone luego el concepto de “combinatoria straight”. Regiendo tanto la alianza como la filiación, y organizando las dinámicas simultáneas e históricas de las relaciones sociales de sexo, raza y clase, la combinatoria straight constituye una nueva herramienta para analizar la reproducción social y para pensar tanto el desarrollo histórico del capitalismo, como la actualidad neoliberal, en una perspectiva que converge con parte del feminismo decolonial latinoamericano y del Caribe.

Relaciones sociales (sexo, raza, clase) — Reproducción social — Sexualidad — Política económica de los sexos — Lesbianismo

Patricia Hill Collins — ¿Qué políticas sexuales para las mujeres negras?

Partiendo de la constatación del silencio de las mujeres negras sobre su sexualidad, de la invisibilidad o del tratamiento parcial de este objeto en las investigaciones negras y feministas en general, este texto muestra el panorama de los diferentes enfoques posibles de la sexualidad, aquella de las mujeres negras en particular. Si la sexualidad puede pensarse como un sistema de opresión autónomo paralelo a los otros sistemas de raza, clase, de nación y de género, podemos también pensarla como un elemento particular de cada sistema específico de opresión. Sin embargo el análisis de la pornografía, de la prostitución, de la violación invita más bien a pensarla como un “sitio de la interseccionalidad” donde se encuentran y se entrecruzan diferentes sistemas de opresión.

Políticas sexuales — Sexualidad — Cuerpo — Violencias contra las mujeres negras — Interseccionalidad — Racismo — Heterosexismo

Danielle Juteau — Un paradigma feminista materialista de la interseccionalidad

El paradigma feminista materialista de la interseccionalidad introduce las relaciones sociales de sexo en el análisis interseccional. Materialista, aclarece lo que es antes de las categorías sociales, las relaciones que les constituyen como diferenciadas, jerarquizadas, antagónicas e indisociables; feminista materialista, se concentra sobre la relación de apropiación constitutiva de las clases de sexo como factor explicativo de las desigualdades entre hombres y mujeres. El examen de la violencia ejercida contra las mujeres hace salir su aporte específico.

Feminismo materialista — Interseccionalidad — Relaciones sociales (sexo, clase, raza) — Violencias contra las mujeres

Alexis Cukier — De la centralidad política del trabajo: los aportes del feminismo materialista

El artículo examina los aportes del feminismo materialista para pensar la centralidad política del trabajo, y más particularmente sobre la función del trabajo en un proyecto de democratización del conjunto de las relaciones sociales. En primer lugar, analiza cómo el feminismo materialista transforma la comprensión y la extensión del concepto de trabajo, después la cuestión de la relación específica de la clase de las mujeres al trabajo, y finalmente el problema de la relación de una política feminista del trabajo al Estado. El artículo defiende que el feminismo materialista permite oponer al neoliberalismo la perspectiva de un ‘trabajo democrático’, haciendo hincapié sobre la necesaria pars destruens de este tipo de trabajo.

Feminismo materialista — Trabajo (concepto de) — Relaciones sociales — Clase de las mujeres — Trabajo democrático

Xavier Dunezat — La sociología de las relaciones sociales de sexo : una lectura feminista y materialista de lasrelaciones entre hombres y mujeres

El artículo presenta los principales aportes de la sociología de las relaciones sociales de sexo al feminismo materialista francés.  Primero, retrasa los inicios de esta corriente y las líneas de tensión que la iniciaron. Después, muestra cómo los tres aportes epistemológicos mayores de esta corriente (división sexual del trabajo, relación social, consubstanciabilidad) fundan una sociología materialista de las relaciones sociales y de su articulación. Por último, interroga el ‘trabajo de emancipación’ al señalar las ambivalencias que estructuran la producción de las subjetividades dominadas, las dinámicas movilizadoras, la organización del trabajo militante.

Feminismo materialista — Relaciones sociales de sexo (sociología de las) — Relaciones sociales (sexo, clase, raza) — Trabajo militante — Emancipación

Evelyn Nakano Glenn — Para una sociedad del cuidado

En este artículo ahora clásico, la autora aboga por la construcción de una sociedad que reconozca el valor del cuidado. El trabajo voluntario del cuidado siempre se ha considerado como una obligación familiar y no como una contribución del bien público, mientras que el trabajo remunerado del cuidado se ha encontrado asignado de forma desproporcionada a los grupos inferiorizados de la población, como las mujeres de color y las migrantes. De hecho, acordamos tan poco valor al trabajo del cuidado mismo, como a aquellas que lo realizan. Sin embargo, en una sociedad en la que reconoceriamos que el cuidado es un verdadero trabajo, podríamos no solamente considerar los bene­ficiaros de este trabajo como ciudadano∙a∙s de pleno derecho, sino reconocer como un servicio público valioso el cuidado recibido. Alcanzar estos objetivos implica repensar las nociones fundamentales tales que la ciudadanía social, dar inicio a los cambios en el dominio del cuidado remunerado y hacer evolucionar las prácticas de empleo para permitir a los trabajadores y trabajadoras de conciliar su trabajo y sus responsabilidades en materia de cuidado.

Cuidado — Trabajo del cuidado — Ciudadanía social — Estados Unidos — Familia — División racial del trabajo

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Vivian Aranha Sabóia — Regulación del empleo de las mujeres en Brasil: entre avances y resistencias

Las luchas feministas y las luchas de mujeres para la igualdad de sexos se encuentran al origen de una serie de disposiciones internacionales remontándose a más de cincuenta años, que pretenden combatir las discriminaciones. Gracias a las luchas sociales, han estado ratificadas por Brasil y han llevado, en los últimos veinte años, a la adopción de varias herramientas en favor de la igualdad de sexos. Sin embargo, como lo muestra este artículo, las disposiciones legales en cuestión no son suficientes para eliminar las desigualdades que pesan sobre la vida profesional de las mujeres.

Brasil — Empleo de las mujeres — Discriminaciones de sexo — Políticas públicas — Resistencias

Lourdes Maria Bandeira — ¿Qué pasará con las acciones del Secretariado de política para las mujeres (SPM) en Brasil?

Auteur•es

Annie Bidet-Mordrel est agrégée de philosophie et diplômée d’études supérieures de sciences économiques. Elle a enseigné la philosophie à l’Université d’Alger et l’économie à l’Université de Paris II.  Ses recherches en philosophie politique portent sur les rapports de genre, de classe, de race, les études postcoloniales et décoloniales. Elle a notamment publié :
— (2010 [2001]) (ed). Les rapports sociaux de sexe. Paris, Puf.
— (2011). « Travail et domination » (avec Emmanuel Renault, eds). Actuel Marx, n° 49.

Maxime Cervulle est maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis et chercheur au Centre d’études sur les médias, les technologies et l’internationalisation (EA3388 CEMTI). Ses recherches portent sur les dimensions culturelles des rapports sociaux de race et de genre, qu’il saisit à partir de l’étude des représentations médiatiques, de leur réception ou de l’organisation de l’espace public. Il a notamment publié :
— (2013). Dans le blanc des yeux. Diversité, racisme et médias. Paris, Éd. Amsterdam.
— (2015). Cultural Studies : théories et méthodes (avec Nelly Quemener). Paris, Armand Colin.

Patricia Hill Collins est professeure émérite de sociologie à l’Université du Maryland, College Park et ancienne présidente de l’Association américaine de sociologie. Son champ d’études couvre les questions de race, genre, classe sociale, sexualité et identité nationale. Elle est l’auteure de nombreux ouvrages, notamment de :
— (1990). Black Feminist Thought: Knowledge, Consciousness, and the Politics of Empowerment. Boston, Unwin Hyman (rééd. 2009, New York, Routledge) [ouvrage pionnier de l’intersectionnalité].
— (2004). Black Sexual Politics: African Americans, Gender, and the New Racism. New York, Routledge.

Alexis Cukier est docteur en philosophie, membre du laboratoire Sophiapol (Université Paris Ouest Nanterre La Défense), post-doctorant à l’Université de Strasbourg dans le cadre de l’ANR « Approches philosophiques de la centralité du travail » (PhiCenTrav). Ses recherches, dans le domaine de la philosophie sociale et politique, portent sur les rapports entre travail, démocratie et émancipation. Il a codirigé, notamment, les ouvrages :
— (2013). Émancipation, les métamorphoses de la critique sociale (avec Fabien Delmotte et Cécile Lavergne, eds). Bellecombe-en-Bauges, Éd. du Croquant.
— (2014). La réification. Histoire et actualité d’un concept critique (avec Vincent Chanson et Frédéric Monferrand, eds). Paris, La Dispute.

Xavier Dunezat est enseignant en sciences sociales en lycée public à Rennes. Membre associé du Cresppa-GTM, ses travaux de sociologie interrogent la dynamique des rapports sociaux (de sexe, classe, race) dans les mobilisations dites de chômeurs et de sans-papiers. Parmi ses publications :
— (2013). « Rapports sociaux et processus revendicatifs dans les mobilisations de chômeurs et chômeuses en Bretagne (1997-1998) ». In Chabanet Didier, Faniel Jean (eds). Les mobilisations de chômeurs en France. Problématiques d’alliances et alliances problématiques. Paris, L’Harmattan.
— (2015). « L’observation ethnographique en sociologie des rapports sociaux : sexe, race, classe et biais essentialistes ». SociologieS [En ligne] « La recherche en actes, ethnographie du genre », mis en ligne le 26 mai 2015, consulté le 05 juin 2015 : http://sociologies.revues.org/5075

Jules Falquet est maîtresse de conférences HDR en sociologie à l’Université Paris Diderot, membre du LCSP (Laboratoire du changement social et politique) et coresponsable du Cedref (Centre pour les enseignements, la documentation et la recherche en études féministes). Elle travaille sur la mondialisation néolibérale, les mouvements sociaux (indiens, paysans, révolutionnaires, de femmes) dans une perspective d’imbrication des rapports sociaux de sexe, race et classe. Elle s’intéresse également à l’épistémologie féministe transnationale, post et décoloniale. Parmi les numéros de revue qu’elle a récemment co-coordonnés :
— (2015). « Genre et environnement. Nouvelles menaces, nouvelles analyses au Nord et au Sud » (avec Pascale Molinier et Sandra Laugier). Cahiers du genre, n° 59.
— (2015). « Intersectionnalité et colonialité. Débats contemporains » (avec Azadeh Kian). Les Cahiers du Cedref, n° 20.
Page personnelle : http://julesfalquet.wordpress.com/

Elsa Galerand est professeure au département de sociologie de l’Université du Québec à Montréal, associée au RÉQeF et au GIREPS. Ses recherches actuelles portent sur le travail domestique, son exploitation et les recompositions de la combativité féministe sur ce front. Parmi ses publications :
— (2014). « Les apports de la sociologie du genre à la critique du travail » (avec Danièle Kergoat). La nouvelle revue du travail [En ligne], 4 | 2014, mis en ligne le 26 avril 2014, consulté le 24 mai 2016. http://nrt.revues.org/1533.
— (2015). « Quelle conceptualisation de l’exploitation pour quelle critique intersectionnelle ? ». Recherches féministes, vol. 28, n° 2.

Evelyn Nakano Glenn est professeure en Gender & Women’s Studies et en Ethnic Studies. Ancienne présidente de l’Association américaine de sociologie, elle est la fondatrice et la directrice du Center for Race and Gender à l’université de Californie à Berkeley. Ses enseignements et ses recherches portent sur les thèmes de la race, du genre, de l’immigration, du travail et de la citoyenneté. Elle a publié plus de cinquante articles et a coordonné différents ouvrages collectifs. Parmi ses publications :
— (2010). Forced to Care: Coercion and Caregiving in America.Cambridge, Mass., Harvard University Press.
— (2009) (ed). Shades of Difference: Why Skin Color Matters. Stanford, Stanford University Press.

Danielle Juteau est professeure émérite au Département de sociologie de l’Université de Montréal. Ses enseignements et recherches ont porté sur l’articulation des rapports sociaux ethniques, de classe et de sexe ainsi que sur la citoyenneté dans ses liens au pluralisme et à l’égalité sociale. Fondatrice du Centre d’études ethniques de l’Université de Montréal en 1991 (CEETUM), elle a été la première titulaire de la chaire en relations ethniques (1991-2003). Elle est membre du comité éditorial de la collection IntersectionS (éd. Pétra, Paris). Elle est l’auteure de nombreux ouvrages, parmi lesquels :
— (2015 [1999]). L’ethnicité et ses frontières. Montréal, Presses de l’Université de Montréal (2e édition revue et mise à jour).
— (2003). La différenciation sociale : modèles et processus. Montréal, Presses de l’Université de Montréal.

Danièle Kergoat est sociologue, directrice de recherche honoraire au CNRS, associée au Cresppa-GTM. Elle est par ailleurs directrice de la collection « Le genre du monde » à La Dispute. Ses recherches portent sur le genre et les rapports sociaux de sexe, le travail, les mouvements sociaux, la puissance d’agir. Parmi ses publications :
— (2012). Se battre, disent-elles… Paris,La Dispute.
— (2015). « Consubstantialité vs intersectionnalité ? À propos de l’imbrication des rapports sociaux » (avec Elsa Galerand). Nouvelles pratiques sociales, vol. 26, n° 2 « Intersectionnalité : regards théoriques et usages en recherche et intervention féministes ».

Vivian Aranha Sabóia est économiste et docteure en sociologie. Elle est professeure à l’Université de l’État du Maranhão (Brésil). Ses recherches portent, notamment, sur les politiques d’emploi, le travail des femmes et les discriminations. Elle est l’auteure de :
— (2009). « Les effets ambivalents des politiques de ‘promotion’ de l’emploi des femmes en France dans un contexte international : une recension de la littérature de 1970 à nos jours ». In Lomba Cédric, Avril Christelle, Serry Hervé (eds). Formes d’emploi et pratiques de travail. Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes « Travaux et documents », n° 42.
— (2015). “O emprego das mulheres face ao neoliberalismo e a flexibilização do emprego na França e no Brasil”. In Gomes de Lucena Maria de Fátima (ed). Saber, prever, cuidar: estudos sobre o tráfico de seres humanos. Recife, EDUFPE.

Sylvia Walby est professeure émérite de sociologie, titulaire de la chaire Unesco de recherche sur le genre, à l’université de Lancaster, en Grande-Bretagne. Ses recherches portent sur un large spectre de thématiques relatives à l’égalité de genre — dont la crise économique, le gender mainstreaming, les violences fondées sur le sexe et la comparaison des régimes de genre. Son œuvre théorique a trait au développement de la théorie de la complexité au sein des sciences sociales. Elle a publié récemment :
— (2015). Stopping Rape: Towards a Comprehensive Policy. Bristol, Policy Press.
— (2015). Crisis. Cambridge, Polity.

Cahiers du Genre, hors-série 2016

septembre, 268 p.

ISSN  1165-3558 — ISBN 978-2-343-10007-4