Hommes et femmes dans le mouvement social

Coordonné par Jacqueline Heinen et Josette Trat

Introduction

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Sommaire

Dossier

Josette Trat
Introduction [p. 5-17]

Première partie – en France

Marie-Hélène Zylberberg-Hocquard
Grèves d’été, grèves d’automne, femmes et mouvement social. L’année 1953 annoncerait-elle l’année 1995 ?
[p. 21-37]

Josette Trat
Retour sur l’automne chaud de 1995 [p. 39-59]

Xavier Dunezat
Presse et mouvement social sexué [p. 61-87]

Pierre Cours-Salies
Le collectif et le particulier. Réflexions autour d’un mouvement inachevé [p. 89-119]

Sophie Béroud
Chronologie du mouvement social de l’automne 1995 [p. 121-133]

Deuxième partie – en Amérique latine

Jane S. Jaquette
Les mouvements de femmes et le défi démocratique en Amérique latine [p. 137-145]

Karen Kampwirth
Inégalité de genre et mouvement zapatiste. Les femmes s’organisent au Chiapas [p. 147-168]

Comptes rendus

— Stevi Jackson. Christine Delphy (Béatrice de Peyret)

— Alain Lipietz. La société en sablier. Le partage du travail contre la déchirure sociale (Chantal Rogerat)

— Alisa Del Re et Jacqueline Heinen. Quelle citoyenneté pour les femmes ? La crise des États-providence et de la représentation politique en Europe (Arlette Gautier)

— Jacqueline Coutras. Crise urbaine et espaces sexués (Nicole Brais)

[p. 169-179]

Comptes rendus numéro 18

Résumés

Marie-Hélène Zylberberg-Hocquard — Grèves d’été, grèves d’automne, femmes et mouvement social. L’année 1953 annoncerait-elle l’année 1995 

Analysant le mouvement social de décembre 1995, certains n’ont pas hésité à esquisser un rapprochement avec la grève de la fonction publique de l’été 1953. Cette dernière paralyse le pays, et pourtant l’opinion publique, loin de lui manifester son hostilité, s’en montre solidaire. L’action est déclenchée par l’attaque d’un gouvernement de droite contre des acquis sociaux, notamment la Sécurité sociale ; mais au-delà d’une défense d’intérêts, que l’on pourrait taxer de catégoriels, les grévistes expriment le manque de perspectives ressenti par tous, ils sont les porte-parole de citoyens impuissants et déçus. Les femmes, actrices dans ce mouvement, sont pourtant invisibles. Huit ans après la fin de la guerre, pèsent lourdement sur elles la pénurie, toujours bien réelle, et la morale traditionnelle, qui ne connaît aucune évolution, les organisations de gauche n’étant pas, loin de là, porteuses de contestation dans ce domaine. Leur taux d’activité est alors un des plus faibles, elles occupent des emplois sous-qualifiés, mal payés, et il serait absurde pour elles de parler de carrière. Nombreuses dans l’administration des PTT, elles y découvrent l’effet libérateur de la grève, et retrouvent des chemins parcourus par leurs aînées.

Josette Trat — Retour sur l’automne chaud de 1995

Certaines convergences entre le mouvement étudiant de l’automne 1995, la manifestation en faveur des droits des femmes du 25 novembre, et la grève du secteur public peuvent se comprendre, selon Josette Trat, en termes d’exigences de citoyenneté. L’auteure s’interroge ensuite plus précisément sur la nature du mouvement de l’automne de 1995. Il a, selon elle, trois caractéristiques essentielles : ce fut un « mouvement d’ensemble », unitaire et il a dessiné, en pointillé, un projet de société égalitaire et solidaire. Pour comprendre l’ampleur et le sens de ce mouvement, Josette Trat insiste sur l’importance de prendre en considération la participation active des femmes à cette mobilisation exceptionnelle et, plus largement, les rapports sociaux de sexe en France.

Xavier Dunezat — Presse et mouvement social sexué

Cet article a pour objet l’étude du « mouvement social sexué » de novembre-décembre 1995 à travers la presse. Tout en s’efforçant de questionner la sociologie des mouvements sociaux au nom de la transversalité des rapports sociaux de sexe, l’auteur part de deux questions : quelle était la nature des rapports sociaux de sexe dans le mouvement de novembre-décembre 1995 ? Dans quel type de rapports sociaux de sexe la presse s’est inscrite au moment de relater ce mouvement ? Il apparaît que les rapports sociaux de sexe traditionnels ont non seulement été reproduits par les acteurs du mouvement social mais sont aussi à l’origine d’un « traitement patriarcal » des événements par la presse. Le sujet social femmes, qui s’est reconstitué à l’occasion de la manifestation du 25 novembre 1995 pour les droits des femmes, était absent des autres composantes du mouvement social.

Pierre Cours-Salies — Le collectif et le particulier. Réflexions autour d’un mouvement inachevé

Addition de corporatisme ou possibilité d’objectifs collectifs ? Cette polémique, au sujet du mouvement de l’automne 1995, invite à repréciser en partie quelques conceptualisations : les rapports entre le collectif et les particuliers, la notion de classe et singulièrement de classe ouvrière. Une série d’entretiens, au cours du mouvement, permet de revisiter les relations entre conscience, objectifs collectifs et récits individuels. Nous ferons également une relecture de la notion de classe à partir de la définition qu’en donnent Flora Tristan (1843) ou la CGT d’avant 1914 (Maxime Leroy, 1913).

Jane S. Jaquette — Les mouvements de femmes et le défi démocratique en Amérique latine

Les femmes latino-américaines sont engagées depuis longtemps dans des luttes publiques dont certaines sont largement connues comme le combat des Mères de la Place de Mai en Argentine. Mais l’on connaît moins bien les récentes mobilisations qui constituent selon l’auteure « un moment historique extraordinaire », et selon les actrices elles-mêmes « une autre manière de faire de la politique », définie plutôt par une stratégie basée sur la différence. Tout en en reconnaissant la validité, l’auteure se demande si dans cette période de redémocratisation en Amérique latine, la recherche d’autonomie de « ces nouveaux mouvements sociaux » ne pose pas un problème : la démocratie a besoins de partis forts (où les femmes entrent difficilement malgré les quotas parfois institués), et de stratégies organisationnelles.

Karen Kampwirth — Inégalité de genre et mouvement zapatiste. Les femmes s’organisent au Chiapa

Cet article cherche à reconstruire la dynamique historique et géographique qui explique la présence significative des femmes dans l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN). Ce mouvement révolutionnaire d’un nouveau type, qui apparaît en janvier 1994 dans un état pauvre du Mexique, le Chiapas, est l’aboutissement de changements très variés qui ont modifié la vie des Indiens et des Indiennes de la région et particulièrement les rapports sociaux entre les sexes. Formant le tiers des forces zapatistes, les femmes ont pu intégrer le problème du genre et formuler la Loi révolutionnaire des femmes. Sans elles, l’EZLN eût sans doute été un mouvement différent même si cela reste une organisation militaire dominée par les hommes.

Abstracts

Marie-Hélène Zylberberg-Hocquard

Some analysts of the social movement of December 1995 did not hesitate in drawing an analogy with the Public Service strike of the summer of 1953. The latter paralyzed the country, and yet public opinion showed solidarity rather than any hostility. The movement was triggered by a right-wing government’s attack on acquired social benefits, in particular the social security health-care system. However, beyond a simple defence of their own interests, which could perhaps be viewed as promoting just their own specific professional interests, the strikers expressed the lack of perspectives felt by all and thus became the spokespersons of a citizenry feeling deceived and powerless. Women, although active participants in this movement, remained invisible. Eight years after the end of World War II, women were doubly burdened with the perpetual reality of penury and the traditional morality, which had not at all evolved and with the left-wing organizations far from being the conduits of contestation in this area. Women’s rate of employment was then one of the lowest of the century, and they occupied menial, poorly paid jobs, and it would be absurd to speak about “careers” for these women. However, numerous within the administration of the PTT (Post and Telegraph), these women discovered the liberating effect of the strike, and found again the paths taken by their predecessors.

Josette Trat

Certain convergences may be understood among the student movement of the Fall of 1995, the protest demonstration in favour of women’s rights of the 25th of November, and the public sector strike. The author then further probes, more precisely, the nature of the movement of the fall of 1995. This had three essential characteristics: it was a united, unified movement, and it sketched elements of a projected egalitarian and solidarizing society. In order to understand the amplitude and the meaning of this movement, one should note the importance of taking into consideration the active participation of the women in this exceptional mobilization, and, more broadly speaking, the social relations between the sexes within France.

Xavier Dunezat

This article focuses upon the “gendered social movement” of November-December, 1995, as seen by the press. The author strives to question the sociology of social movements in the name of the transversality of the social relations of gender, and starts with two questions: 1) What was the nature of the social relations of gender within the November-December 1995 movement; 2) What is the context of gendered social relations within the press itself when they are describing this movement? It appears that the traditional social relations of gender were not only reproduced by the agents of the social movement but were also at the origin of a “patriarchal treatment” of events by the press. Women, as a social subject, reappeared during the demonstration for the rights of women of November 25th, 1995, but was missing from the other events composing the social movement.

Pierre Cours-Salies

Addition of corporatism or the possibility of collective objectives? This polemic, concerning the movement of the fall of 1995, provides an invitation to further refine, in part, certain conceptualizations: the relations between the collective and individuals, the notion of class, and specifically the notion of the working class. A series of interviews within the movement permit us to re-examine the relations among conscience, collective goals, and individual narratives. We may at the same time rethink the notion of class which takes off from Flora Tristan’s definition or that of the pre-1914 [General Confederation of Labour].

Jane S. Jaquette

Latin American women have long been active in public conflicts, some widely known, such as the Mothers of May Place in Argentina. But we know less well the recent mobilizations which constitute what may be called “an extraordinary historic moment”, and which the participants themselves call “another way of doing politics”, defined, rather, by a strategy based upon “difference”. While recognizing the validity, the author wonders whether in this period of re-democratization within Latin America, the search for autonomy of “these new social movements” doesn’t pose a problem: Democracy has needs for strong parties, where women have trouble gaining admittance despite the quotas sometimes instituted, and organizational strategies.

Karen Kampwirth

This article seeks to reconstruct the historical and geographical dynamics explaining the significant presence of women in the Zapatista Army of National Liberation (EZNL). First appearing in the poor Mexican state of Chiapas in January, 1994, this new type of revolutionary movement is the culmination of a wide variety of changes modifying the life of indigenous men and women in the region, and particularly, the social relations between the sexes. Making up a third of the Zapatista forces, the women were able to integrate the question of gender and formulate the Revolutionary Law of Women. Without them, the EZNL would have no doubt been a very different kind of movement, even though remaining a military organization dominated by men.

Resúmenes
Auteur•es

Pierre Cours-Salies, docteur d’État en sciences politiques, enseigne à l’université Paris VIII-Saint-Denis. Il est membre du GEDISST.
— (1995).  (ed). La liberté du travail. Paris. Syllepse.
— (1997).  Pierre Cours-Salies, René Mouriaux (eds). L’unité syndicale en France. 1895-1995. Impasses et chemins. Paris. Syllepse.

Xavier Dunezat est doctorant en sociologie et prépare une thèse sur les mouvements sociaux de sexe, sous la direction de Danièle Kergoat. Il est professeur de science économique et sociale dans un lycée de Rennes.

Jane S. Jaquette est professeure de diplomatie et des affaires mondiales de l’Occidental College. Ses travaux qui ont une dimension comparative portent sur la participation politique des femmes, le féminisme international et les femmes dans les pays en développement.
— (1983).  Women in developing countries: A Policy Focus, avec Kathleen Staudt.
— (1994).  The Women’s Movement in Latin America. Boston. Unwin.

Josette Trat enseigne la sociologie à l’université de Paris VIII-Saint-Denis. Elle est membre du GEDISST et collabore à la revue Les Cahiers du féminisme.
— (1994). « La lutte des assistantes sociales : un mouvement de femmes salariées conjugué au masculin ». In Futur Antérieur. Numéro spécial : Les coordinations de travailleurs dans la confrontation sociale.
— (1997).  « Engels, savant et révolutionnaire » : Actes du colloque international des 17-20 octobre 1995. Paris. PUF.

Marie-Hélène Zylberberg-Hocquard est historienne et enseigne dans une classe préparatoire littéraire. Elle est membre du Gedisst et ses recherches portent sur le travail industriel féminin au XIXe siècle et sur les rapports entre féminisme et syndicalisme au XIXe.
— (1995).  « L’ouvrière ». Historiens et géographes. Numéro hors série : Le monde ouvrier aux XIXe et XXe siècles.
— (1995).  « Métiers ouvriers, approche historique ». Communication à l’atelier ‘travail et emploi’. Colloque international de recherche préparatoire à la IVe Conférence mondiale sur les femmes. Paris. 6-7 mars 1995. In Femmes, hommes : identité, égalité, différences. Paris. La Découverte. Recherches.

Cahiers du Genre n°18/1997

avril, 192 p.

ISSN  1165-3558 – ISBN 2-7384-5375-9